Travailler le bois à l’aveugle

ÉBÉNISTE. Le Shawiniganais Pierre Paquin est ébéniste et il détient son commerce, Ébénisterie des Chutes depuis 1983. Toutefois, il a une maladie dégénérative des yeux qui l’a rendu aveugle.

M. Paquin se spécialise dans la confection de meubles sur mesure, la réparation d’ameublement et la création d’urnes funéraires.

Lorsqu’il a su qu’il avait une cécité dégénérative, il s’est lancé en affaires. «Je savais bien que personne ne voudrait engager un aveugle», soutient-il.

L’ébéniste demeure honnête avec ses clients, puisqu’il ne peut prendre tous les contrats qui lui sont offerts en raison d’un handicap. «Bien des gens ne croient pas que je suis en mesure de faire mon travail. Si je suis capable de faire le travail demandé, je le dis à mon client, et c’est la même chose si je sais que la tâche dépasse mes limites.»

M. Paquin s’est développé une foule de trucs afin de faciliter sa besogne: des blocs dont il connaît les mesures par cœur, des tournevis différents, etc. En plus d’outils adaptés, l’homme de 58 ans fonctionne avec des notes audio. «Le plan, c’est plus pour le client.»

C’est depuis la naissance que M. Paquin a une cécité dégénérative, mais sa condition a commencé à se dégrader vers l’âge de 25 ans. «Je perds des plumes chaque année. De l’œil droit je ne vois absolument rien, tandis que je discerne seulement des ombrages de l’œil gauche. Mais dans ma boutique, je me reconnais. J’y vais avec les contrastes dans ma boutique pour m’orienter, et au toucher. Puis, avec mes notions d’ébéniste, j’ai adapté ma sécurité avec ma vision. Je n’ai jamais eu de grosses blessures, mais je touche du bois!», lance-t-il avec un sourire.

Des difficultés

Comme c’est plus difficile pour lui de se déplacer, M. Paquin ne peut obtenir tous les contrats voulus. «C’est plutôt tranquille dernièrement. À la fin de l’année, j’ai l’argent pour payer mes frais fixe de la boutique, et il m’en reste très peu pour moi. Mais j’aime ce que je fais. Ça fait 32 ans que je me lève pour venir travailler dans mon atelier. Si je ne faisais pas ça, qu’est-ce que je ferais? Je serai chez moi sur l’aide sociale? Au moins, j’ai la fierté de dire que je travaille à mon compte, et quand j’ai de l’ouvrage, je suis content et je n’arrête pas. Une des plus belles paies que j’ai, c’est quand le client est satisfait de mon travail. C’est gratifiant pour un ébéniste qui voit ce qu’il fait, alors ça l’est encore plus pour moi!»

Un nouveau bar pour le Monarque

Le propriétaire du bar le Monarque, Claude Lafrenière, était renversé de voir ce que M. Paquin pouvait réaliser sans ses yeux. «J’étais renversé de voir ce qu’il pouvait faire. C’est vraiment exceptionnel ce qu’il fait. Quand je suis entré dans son commerce, je ne savais pas qu’il était aveugle, j’avais l’impression qu’il ne me regardait pas. Il me disait: "Je dois toucher". J’ai compris qu’il était aveugle à ce moment. En sortant de là, c’était clair dans ma tête que je lui donnais le contrat pour refaire mon bar. Et je n’ai pas été déçu. Je l’ai vu travaillé dans son atelier et c’est impressionnant. Il faut lui lever notre chapeau, il est aveugle et il continue son métier.»

En plus du bar et de la moulure, M. Paquin a aussi réalisé des tables et des chaises pour le commerce de M. Lafrenière.

L’ébéniste a conçu le fauteuil du maire Michel Angers, celui de l’ancienne mairesse Lise Landry, et auparavant, le siège de Roland Desaulniers. «Je ne vote jamais pour le maire sortant aux élections question d’avoir du travail», lance à la blague M. Paquin.

Suivez Patrick Vaillancourt sur Twitter à l’adresse: @p_vaillancourt