Cyrille Gélinas, prophète forestier

Un éminent sylviculteur m’a confirmé un jour que l’arbre ‘’respire’’ le gaz carbonique de l’humanité et qu’en retour il ‘’transpire’’ l’oxygène essentiel à tous les habitants de la planète. C’est en ce sens qu’on se plait à dire que la forêt est le ‘’poumon’’ de la terre et que ceux qui l’étudient, la protègent et la défendent en sont les prophètes.

L’interviewé hebdomadaire, Cyrille Gélinas, est un arbre bien enraciné dans le sol fécond de ses origines de Baie Shawinigan qui produit de beaux et bons fruits littéraires et dont le splendide feuillage de ses recherches historiques provoquent l’admiration de tout le Québec et particulièrement du monde universitaire.

Tout en image, Cyrille dira que la volonté de l’homme fait l’arbre, que sa parole en est le bourgeon, que ses écrits en sont la sève qui multiplie ses fruits comestibles pour la postérité’’. Il rajoutera que les petites graines d’un labeur constant et patient sont les véritables fondatrices de la forêt de la réussite. Avec humour, il complètera son apologie sur l’arbre en révélant que le singe grimpe aux arbres, que l’homme invente le poteau et tout un attirail sophistiqué pour y grimper

De machiniste à historien

À la suite d’études au baccalauréat et à la maîtrise en histoire aux universités de l’U.Q.T.R. et de Laval, Cyrille gagnera son pain quotidien comme machiniste bien que sa passion demeurera toujours l’histoire et l’écriture.

Tour à tour, de 1975 à 1986, il oeuvrera pour le service de la recherche des parcs historiques de Parc Canada. Il participera activement aux recherches qui permettront la reconstruction architecturale du Fort Chambly. Dans la Vallée du Richelieu, il étudiera le conflit franco-Iroquois et la colonie anglaise. Un stage d’étude de trois ans sur l’exploitation forestière du Parc National de la Mauricie le sensibilisera au travail d’archiviste. «J’ai vraiment été forcé de m’enterrer dans les archives», dira-t-il.

D’historien à écrivain

En 1995, à la suite de 4 ans de recherches intensives, Cyrille publiera l’histoire de son village d’adoption sous le titre l’Histoire de Sainte-Hénédine du comté de Dorchester. Par un travail de moine, il résume la vie de cette communauté par un volumineux manuscrit de 533 pages abondamment illustré d’antiques photos des paysans et de textes de l’époque dont l’orthographe ne fut pas corrigée (1798 à 1852).

De 1996 à 2004, avec la complicité de René Gélinas, notre concitoyen-écrivain consacrera un travail titanesque de recherches et d’entrevues qui mèneront à la publication de l’Histoire de Baie-de-Shawinigan, le village ouvrier qui l’a vu naître le 19 mars 1950. On y relate sa fondation, la vie sociale, économique et religieuse de la collectivité ouvrière de ses pionniers. Quel exceptionnel album souvenir!

De psychologue à sociologie

Le dernier fait d’arme de Cyrille Gélinas remonte au mois de septembre 2010 ou il procéda au lancement d’une publication inédite pour comprendre la forêt au Québec. Son recueil de 348 pages a été publié sous le vocable de L’Enseignement et la recherche en foresterie à l’Université Laval de 1910 à nos jours. Cette publication aura exigé six ans de recherche et 6 mois d’écriture à raison de 30 heures par semaine (2004 à 2010) pour présenter avec éloquence le génie forestier du Québec.

Cette œuvre fait d’ailleurs l’orgueil de la Société d’histoire forestière du Québec, de la Faculté de Foresterie, de Géographie et de Géomatique du Québec qui célèbre son centième anniversaire de fondation. Pour atteindre les objectifs requis, Cyrille aura dû défricher au-delà de 175 000 documents. Jadis, on étudiait la psychologie de l’arbre mais de nos jours, on scrute avec l’appui du laboratoire la sociologie de la forêt.