Denise Therrien: un deuil qui n’en finit plus
Incapable de faire convenablement leur deuil près de 48 ans après le crime, des membres de la famille s’apprêtent à publier L’inoubliable affaire Denise Therrien, un livre qui relatera les événements tels que vécu de l’intérieur.
Isabelle Therrien, la nièce de la jeune adolescente de 16 ans assassinée à Shawinigan-Sud en août 1961 par Marcel Le fossoyeur Bernier, signe cet ouvrage qui est présentement à l’étude dans quelques maisons d’édition. «C’est le projet de mon grand-père», raconte-t-elle à propos de Henri Therrien qui, depuis ce mois d’août fatidique jusqu’à son décès en février 2001, n’a jamais cessé de vouloir témoigner de ce sordide crime qui a brisé la vie de sa famille. «Même dans les dernières semaines de sa vie, il écrivait là-dessus», poursuit Micheline Therrien, la grande sœur de Denise et tante d’Isabelle.
Sentiment de culpabilité
Celle-ci est bien placée pour parler de la déchirure causée par cet événement puisque c’est elle qui, répondant à une annonce demandant une gardienne d’enfants, avait délégué sa jeune sœur. Denise Therrien ne sera plus jamais revue vivante par la suite. «C’est un sentiment de culpabilité qui ne te quitte jamais», confie Micheline Therrien qui a été la principale source de renseignements pour alimenter l’auteure. En cours de route, Michel Therrien, le père d’Isabelle, a lui aussi fait bénéficier de ses souvenirs.
Dans les découpures de presse de l’époque, on le retrouve à plusieurs reprises sur les photos en compagnie de son père Henri. «Il m’amenait souvent avec lui dans ses recherches», se souvient-il.
Toute sa vie après ce triste épisode, Henri Therrien a ramassé les articles de journaux traitant de l’affaire qui avait fait grand bruit partout au Québec. Ces découpures ont été une précieuse source d’informations pour Isabelle Therrien qui a par la suite consulté plusieurs documents officiels au Palais de justice de Shawinigan et dans les archives nationales. Elle a par exemple relu au complet les minutes du procès de Marcel Bernier – qui ne durera que deux jours – ainsi que le rapport du coroner lorsque le corps de Denise Therrien a été exhumé dans le rang Saint-Mathieu, plus de quatre ans après sa disparition.
De nouveaux éléments
Des documents pénibles à consulter, d’autant plus qu’ils contiennent des détails jusque-là inconnus de la famille. Le livre d’Isabelle Therrien renferme plusieurs de ces faits nouveaux comme une photographie du crâne de la victime, vraisemblablement fracassé avec violence. «Il faut savoir que même aujourd’hui, on ne sait toujours pas si Denise Therrien a été tuée le jour même de sa disparition ou si elle a été séquestrée ou agressée par son meurtrier. Parce qu’elle a été bâclée, l’enquête n’a jamais fait la lumière là-dessus», déplore Isabelle Therrien.
L’ouvrage détaille également les innombrables initiatives d’Henri Therrien pour retrouver sa fille dont on disait, avant que sa dépouille ne soit retrouvée, qu’elle était en Ontario ou en Floride. On y retrouve par exemple la copie d’une lettre expédiée au ministre de la Justice dans laquelle, plus de 40 ans avant la croisade de Pierre-Hugues Boisvenu, le Shawiniganais dénonce le sort réservé aux familles des victimes et les droits dont bénéficient les coupables.
Boucler la boucle
On pourra y lire pourquoi la famille Therrien n’a jamais pu fermer les livres sur cette tragédie. Qu’il s’agisse de la demande d’un nouveau procès par Marcel Bernier à la fin des années 1960, du livre Le fossoyeur écrit en 1977 par l’assassin et dans lequel il évoque l’existence d’un complice, jusqu’à la sortie de La lâcheté en 2007, film basé sur le livre de Bernier, la plaie est toujours demeurée ouverte chez les proches de la jeune fille assassinée. «Ce livre va mettre un point final à toute cette histoire», témoigne Micheline Therrien. «Je crois que mon grand-père serait satisfait», renchérit pour sa part Isabelle Therrien.
À noter que le reporter judiciaire Michel Auger a accepté de signer la préface du livre. La disparition de Denise Therrien est l’un des premiers événements qu’a couvert le Shawiniganais d’origine à titre de journaliste.