La vie dévoilée de l’anachorète de Shawi-Sud

La présente année qui s’achève permet d’en entrevoir une autre avec l’espoir d’une vie meilleure. Les comportements populaires ne mènent hélas rarement à la joie profonde du cœur, à la paix et la béatitude de l’âme. Pourtant, il y a de ces personnes qui courtisent ces précieux états d’être.

J’ai revu à son domicile, avec un ravissement renouvelé, l’anachorète de Shawi-Sud, le célibataire de 76 ans révolus (6 octobre 1933), notre Grizzly Adams régional, le solitaire Roger Marchand, l’homme qui parle aux ours. C’est par le visionnement d’une projection audio-visuelle de plus de trois heures et dont il en est l’auteur que cet homme qui privilégie une vie retirée loin des attraits et des tapages humains m’a convaincu de la sobriété de son mode de vie luxuriant, mais sans artifice, sans superflu. Quel régal visuel aussi apaisant qu’exaltant!…

En réclusion volontaire en forêt, à proximité du Barrage Gouin, dans son abbaye de verdure improvisé, notre ermite a savouré son long séjour de vie de bohème s’échelonnant du 2 juin au 17 septembre 2009. Cet homme des bois aura surmonté en toute sérénité 37 jours de pluie consécutifs, 20 jours de grande chaleur accablante sur un total de 107 journées d’une vie sauvage en forêt vierge axée sur le riche vécu du moment présent. À mes yeux, Roger est la réincarnation du Vieil Ermite de Grandes-Piles, ce personnage décédé il y a plus d’une décennie et qui a tant marqué ma vie par ses comportements et ses enseignements pertinents à une sagesse de simplicité de vie, de noblesse d’être, de créativité et d’euphorie. Tout comme mon gourou spirituel de regrettée mémoire, Roger, laisse une large place à la sieste, à la réflexion, à l’observation, à la méditation, à la contemplation. Ce lien de prédilection avec la sagesse providentielle l’amène à concevoir que la réflexion profonde évite l’agitation désordonnée. En conclusion, je dirai que s’il n’est pas possible pour le plus grand nombre d’entre nous d’appliquer intégralement sa recette de vie, il est néanmoins souhaitable de s’en approprier des fragments.

Saine relation humano-animale

C’est davantage par le langage non-verbal que par les mots que Roger entretient une relation humano-animale avec les ours depuis 2003. Le radar de l’animal capte le comportement, les mimiques et l’intonation de la voix de l’homme mieux que ses paroles, m’a démontré Roger.

L’ours ne mange pas dans ma main, mais nous nous côtoyons presque quotidiennement avec un respect mutuel et à moins de un mètre. Je le capte en photos et à la ciné, il se laisse courtiser avec prudence. Il est mon meilleur et mon plus fidèle compagnon forestier. Quand mon ours fait son épicerie ailleurs, je m’en ennuie. Nous sommes devenus un vieux couple qui se comprend et se devine sans se parler, mais qui s’apprécie et qui a besoin l’un de l’autre.

Le chant des oiseaux et des grenouilles, la vue d’un voilier d’outardes, les moustiques et les maringouins, les vents doux et furieux, les pluies fines et diluviennes, les soleils réconfortants et de plomb, les levers et couchers de soleil rayonnants, les firmaments étoilés sont la vraie richesse de cet homme qui stimule et entretient ainsi sa santé sans aucun médicament.

Pour notre coureur des bois contemporain, la capacité de se priver sans se meurtrir des richesses de l’artificiel et du superflu qui sont aléatoires, temporaires et inutiles demeure le secret de son bonheur quotidien.

Des menus de santé

La vie de Roger Marchand est basée sur son horloge biologique; il dort lorsqu’il en ressent le besoin, il mange quand il a faim, peu importe l’heure du jour. Ses mets de prédilection, un filet de doré avec riz et salade, une truite avec oignons et champignons, un pâté chinois.

Comme dessert, un gâteau aux bleuets et des fruits sauvages à satiété. Son breuvage préféré, l’eau bouillie tiède ou froide. Comme vœu de Bonne et Nouvelle Année 2010, faisons en sorte de lui ressembler, nous n’en serons que moins étourdis tout en possédant la vraie prospérité, celle des êtres simples et heureux qui rendent joyeux leur entourage.