L’argent des autres

Il est normal qu’en étant constamment exposée aux apparences de fraude des « haut placés » de notre société, la population ressente un profond sentiment d’indignation. Les bonis des hauts dirigeants, le non-retour des sommes perçues en trop d’Hydro, les soupers bénéfices non déclarés d’un demi-million de certains politiciens, ne sont que quelques exemples qui reflètent cette pénible réalité que nos impôts ne sont pas utilisés à des fins justes et équitables.

Au lieu de permettre l’amélioration des services publics (soins de santé, services sociaux, éducation), une bonne partie de l’argent des québécois semble sous contrôle privé et se retrouve facilement dans les caisses personnelles de certains individus.

En fait, pour les politiciens et hauts dirigeants de la société, l’argent des autres n’a pas la même valeur que la leur. Elle n’a clairement pas d’odeur, elle est impersonnelle, gratuite, obtenue sans effort, abondante et incalculable avec précision, elle est fragmentée, compilée par la somme d’infimes contributions. Pour un politicien, un million de dollars n’est que la somme cumulée de 5 millions de 20 cents.

En fait lorsque l’argent est perçu ainsi, sa gestion devient souvent approximative. Des dépassements de plusieurs millions de dollars pour le CHUM ? Pas de problème. Douze toilettes publiques à Montréal à 250 000$ l’unité et ce, sans projet pilote (notons qu’un soumissionnaire reconnu projetait le tout à 50% moins cher) ? Tout est correct. La redistribution de contrats impliquant des millions d’argent public, à des firmes qui ont été formellement accusées pour fraudes et collusions au criminel ? Tout va bien.

En analysant la situation des dépenses publiques au Québec, il ne faut pas être une sommité en matière économique pour constater que tout cela ne peut pas durer. Plus nous gaspillons ainsi nos avoirs, moins nous avons des services de qualité. Nous en somme même rendu à libérer un homme qui a tué sa femme de façon atroce, faute d’investissement dans la nomination de juges. Le sourire de l’homme tueur et barbare témoignant en fait de toute cette absurdité. D’une façon plus globale, cette mauvaise gestion des avoirs défi l’entendement et la logique naturelle du bon sens.

Donner des bonis de « bons rendements » à des hauts dirigeants du secteur privé dont la compagnie, qui a reçu des millions en argents publics, accuse des mauvais rendements (baisse de revenu, congédiement d’employés). Subventionner allègrement des écoles privées avec des fonds publics alors que les écoles publiques croulent sous leurs murs moisis, en manque constant d’intervenants d’appui soutenant la réussite des enfants en difficulté. Comment les politiciens se sortent-ils de toutes ces incohérences ? Par recadrage stratégique. Ils ont développé une technique fort efficace qui permet de semer le doute dans la population.

Dans son projet pilote pour Uber, M. Couillard avait promis qu’un seul reproche fait à la compagnie, un seul, serait suffisant pour annuler son appui. Or, après 300 infractions documentées, le ministre affirme qu’il s’agit là d’un succès retentissant du projet car la nouvelle structure mise en place permet maintenant de débusquer les contrevenants. Allez Uber vous pouvez continuer !

En fait, le monde politique trouve toujours des justifications aux incohérences qu’il chapeaute. Les politiciens sont d’habiles techniciens en matière de réalité alternative. Ils savent adroitement recadrer la réalité en cours de processus afin d’atteindre l’objectif principal souhaité dès le départ. Nous retrouvons cette même habileté chez les dirigeants d’entreprises.

Avant d’annoncer le congédiement à un employé, ils commenceront souvent par saluer sa contribution, puis mettre en relief le fait qu’il ne semble plus heureux dans la compagnie, semble avoir atteint la stagnation et qu’il serait clairement plus profitable pour lui de relever de nouveaux défis dans une autre organisation. En clair, tu es congédié et tu devrais m’en remercier.

En conclusion, peu importe les stratégies utilisées par nos politi-techniciens, il n’en demeure pas moins que la réalité existe. Les faits concrets montrent que le bateau coule. Il est énorme, rempli d’or mais il coule. Seuls les dignitaires savent où se trouvent les embarcations alternatives, celles leur assurant la survie à eux et leurs enfants. Mais l’argent des autres a une odeur, celle de la sueur des gens qui l’on durement gagné et amèrement perdu.

Ne serait-il pas temps de changer nos techniciens politiques par les politiciens humanistes. Remplacer la fascination du pouvoir et l’obsession de l’image par de réelles motivations humaines ? Car lorsque l’on dirige l’énorme bateau qu’est la société, il ne faut pas qu’être mécano, il faut être Capitaine. Un dirigeant inspiré de valeurs humaines d’intégrité, d’humilité et d’acharnent pour la cause des gens et de leurs besoins.

 

Frankie Bernèche, Ph.D. Professeur de Psychologie

St-Mathieu du Parc