Les chevreuils du Parc de l’île Melville seront abattus

Étant donné les graves problèmes découlant de la consanguinité, les dirigeants du Parc de l’Île Melville ont pris la décision de mettre fin à la souffrance de leurs chevreuils et d’en faire don à divers organismes du grand Shawinigan.

Le vétérinaire du Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, dans son rapport de visite d’octobre 2006, est formel: «Le troupeau souffre d’un taux élevé de consanguinité qui se manifeste par la brachygnathie et possiblement par le faible taux de reproduction des adultes et de survie des faons.»

La nouvelle directrice du Parc de l’île Melville, Marie-Louise Tardif, explique: «La consanguinité vient du fait que les membres d’une même famille se reproduisent entre eux. Elle correspond à accoupler deux cerfs qui ont pratiquement la même génétique. Imaginez que pendant 5 ou 6 générations les membres d’une même famille se reproduisent continuellement entre eux. Et bien, c’est malheureusement ce qui s’est produit dans notre enclos de chevreuils.» À l’origine de la création de l’enclos, en 1980, les animaux que le Parc avaient reçus étaient bagués et il était alors facile pour un vétérinaire de faire le suivi de la santé de ces animaux. Ceci n’est plus le cas depuis de nombreuses d’années. De plus, il semble qu’il n’y ait pratiquement jamais eu de gestion génétique du cheptel. Mme Tardif poursuit en mentionnant: «Les animaux auraient dû être partagés en famille et au moment de la saison d’accouplement les mâles auraient dû rencontrer des groupes de femelles de d’autres familles génétiques que la leur. On aurait pu aussi assurer un renouvellement fréquent des mâles. Mais, puisque nous ne pouvons refaire le passé, nous étions face à une situation critique pour les animaux».

Au fil des années, la consanguinité résulte non seulement en l’appauvrissement génétique du troupeau mais aussi en l’affaiblissement général de la santé des individus, ils deviennent plus faibles, moins fertiles et le taux de survie des faons diminue grandement. Qui plus est, les faons naissent avec des malformations congénitales.

Pour Mme Tardif: «Il est malheureux que nous ayons été obligés d’en venir à une telle décision. Cependant, après avoir analysé plusieurs scénarios et rencontré plusieurs spécialistes, nous en sommes venus à la conclusion qu’un don, à des organismes de bienfaisance en alimentation dans le grand Shawinigan, serait la meilleure alternative».

Bien qu’il était difficile de voir que certaines bêtes avaient des déficiences, une des malformations chroniques évidentes était le recul de leur mâchoire inférieure, la brachygnathie. «Ceci était catastrophique pour nos cerfs et contribuait grandement à leur affaiblissement. Ainsi, plusieurs cerfs se faisaient des abcès à l’intérieur de la bouche en essayant de mastiquer leurs aliments. Nos chevreuils avaient une capacité de mâcher grandement inférieure à celle d’individus génétiquement sains. Par le fait même, ils se nourrissaient beaucoup moins. Malgré le fait qu’ils étaient nourris quotidiennement et qu’ils recevaient, au besoin, les soins d’un vétérinaire, ils étaient plus maigres que s’ils avaient vécu en nature. Leur santé était tellement mauvaise qu’en 2006, neuf chevreuils sont décédés soient quatre faons et cinq adultes. Certains maigrissaient pratiquement à vue d’œil et l’hiver n’était pas encore arrivé».

La possibilité de ne faire abattre qu’une partie du troupeau a été évaluée, mais ceci ne réglait pas le problème de détérioration physique et génétique des animaux qui resteraient dans l’enclos. De plus, un différent aménagement de l’enclos aurait dû être fait afin de s’assurer que les jeunes faons puissent aussi se nourrir autant qu’ils le veulent, car en enclos, la Loi du plus fort est évidemment amplifiée. Le Parc aurait aussi, entre autres, dû assurer un suivi beaucoup plus serré, qu’au cours des dernières années, afin que tous les animaux soient bagués pour être sous observation d’un vétérinaire.

Il est important de mentionner que le Parc n’a voulu prendre aucune chance en obtenant l’assurance, auprès d’un spécialiste de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, de deux vétérinaires et d’une biologiste, que la viande était comestible.

Pour l’instant, le Parc de l’Île Melville n’exclut pas l’idée d’avoir d’autres chevreuils au printemps 2007, mais rien n’est confirmé. «Notre seule consolation » de dire Mme Tardif, « c’est de penser que des personnes démunies, habitant au Centre-de-la-Mauricie, se régaleront durant la période des Fêtes».