L’intimidation: une priorité nationale

La fin tragique de Marjorie à Sainte-Anne-des-Monts bouleverse le Québec et vient me chercher pour deux raisons: à titre de parents et d’intervenant scolaire.

L’intimidation à l’école s’est transformée au fil des années. Des manifestations verbales et physiques dans la cour d’école, elle est maintenant présente au sein même des établissements : dans la section des casiers, à la cafétéria, dans certaines classes, au gymnase et sur les réseaux sociaux. L’intimidation et, en amont, la banalisation des écarts verbaux sont partout, chez les enfants comme chez les adultes.

Je suis de très près l’évolution de l’intimidation parce que mon adolescente a été maintes fois victime d’intimidation. Dès le primaire, dans une école qui disait vouer une admiration aux principes de Neufeld (environnement sécuritaire, communication, estime de soi), ma fille s’est fait dire par une enseignante; «Qu’est-ce que tu veux ma fatigante?» Dans cette même école, en pleine classe, on se met à rire de la remarque d’un garçon de 5e année qui lui lance derrière la tête : «Roule pour aller au tableau, ça ira plus vite!». Comment une enfant de 10 ans à l’époque pouvait-elle gérer ça toute seule? L’an dernier au secondaire, dans cet univers impersonnel et insécurisant pour des élèves de 12-13 ans, ma fille s’est plusieurs fois faite ridiculisée dans les corridors. En pleine classe, un élève lui a dit «Tu ressembles à une roulotte à patates frites : t’es laide en dehors et grasse en dedans!» J’ai tellement pleuré devant ce manque d’humanité et de compassion. Heureusement qu’au moment de cet épisode, la classe s’est levée pour l’entourer et la consoler et que l’enseignante a retiré l’élève sur le champ.

L’intimidation a pris des proportions considérables. Gérer tous les problèmes demanderait aux directions d’école de ne faire que ça et j’en sais quelque chose! Est-il possible que chacun prenne sa part de responsabilité? Parent, chauffeur d’autobus, surveillant d’élèves, éducateur, enseignant, psychoéducateur et direction, nous ayons à nous questionner sérieusement sur ce phénomène qui entrave la persévérance et la réussite scolaires plus que les méthodes pédagogiques mises en place? Le plan de la violence du ministère, de quelles manière atterrit-il dans les écoles? Ce que nous faisons est-il vraiment efficace? L’avons-nous demandé aux jeunes concernés? Pourquoi les jeunes ne sont-ils pas les initiateurs de changement? Pourquoi ne leur donnons-nous pas l’occasion de répondre à cette problématique en entreprenant divers projets d’éducation au vivre-ensemble et à la citoyenneté?

Comme parent, j’ai beaucoup à faire. Chaque jour, je dois être attentif aux états d’âme de ma fille, je dois subtilement aller chercher les informations sur sa journée en lui demandant de quoi elle est le plus fière, qu’est-ce qu’elle voudrait qu’il soit amélioré le lendemain? Je suis aussi son ami facebook, une condition obligatoire dans ma maison. Les temps d’utilisation non abusifs sont contrôlés. On gère les accès, on questionne et on intervient. Il m’arrive de constater parfois que certains adolescents y vont fort. Suspendez-en un pour intimidation, il aura aussitôt fait d’avertir ses amis demeurés à l’école afin qu’ils entourent votre fille, histoire de la rendre un peu plus nerveuse!

Plus que jamais, il faut faire de ce dossier une priorité nationale. Si on veut enrichir le Québec de notre relève, on ne peut pas se permettre de perdre des Marjorie trop souvent!

Denis Morin

Shawinigan