OPINION: Remettre les pendules à l’heure!

En réaction à l’article «Eau potable: le projet pourrait coûter moins de 60 millions$», Carmen Mélançon, de Shawinigan, relate sommairement les étapes ayant mené à la décision du gouvernement du Québec de conserver les sources actuelles d’approvisionnement en eau potable plutôt que de puiser l’eau dans la rivière Saint-Maurice.

Dans un article publié en ligne par L’Hebdo du St-Maurice le 26 juin dernier, j’ai appris qu’a eu lieu la pelletée de terre officielle des travaux de l’usine de traitement d’eau potable du lac des Piles. À cette occasion, la députée-ministre, Julie Boulet, a déclaré sur un ton louangeur «C’est la bataille et la victoire d’un homme: Michel Angers». Comme je connais bien ce dossier, permettez-moi de mettre un bémol à cette affirmation. En effet, dans ce dossier, la décision finale du gouvernement est le fruit également d’une démarche collective de citoyens engagés.

Dès 2001, alors que je siégeais au comité de Bassin Versant Saint-Maurice à titre de citoyenne riveraine, j’apprends que le gouvernement s’apprête à obliger la municipalité de Shawinigan à s’approvisionner dorénavant dans la rivière Saint-Maurice pour son eau potable. Dès lors et durant les dix années qui ont suivi, j’ai multiplié les démarches auprès des ministères de l’Environnement et des Affaires municipales afin de faire valoir les avantages de conserver les sources actuelles, tant au niveau des coûts que de la qualité de l’eau.

En 2005, Maxime Boisvert, candidat non élu à la mairie de Shawinigan, en fait lui aussi son cheval de bataille. En 2007, Robert Deschamps, élu député dans la circonscription de Saint-Maurice, porte désormais le flambeau pour défendre l’approvisionnement d’eau actuel. En 2008, armé d’un dossier scientifique étoffé, M. Deschamps intervient en commission parlementaire pour défendre cette cause, en compagnie de la Coalition Eau Secours. M. Deschamps agit alors à titre de porte-parole de l’opposition officielle en matière de ressources naturelles.

Au mois de juillet 2008, le ministère de l’Environnement accorde un sursis de deux ans pour l’eau potable à Shawinigan, une nouvelle accueillie comme une victoire par le député Deschamps1.

Or, en septembre 2009, Michel Angers, alors en campagne électorale, convoque la presse pour annoncer qu’il favorise la rivière Saint-Maurice pour approvisionner les citoyens. Le 1er novembre 2009, à l’issue d’un référendum consultatif jumelé à l’élection municipale, les citoyens se prononcent à 60,87 % contre la proposition de gouvernement du Québec de puiser l’eau du Saint-Maurice.

Le 10 février 2010, dans une lettre ouverte adressée au maire de Shawinigan, Michel Angers, avec copie à Julie Boulet, Robert Deschamps offre ses services pour convaincre le gouvernement de renoncer à son projet, lequel avait été rejeté par la population dans une proportion de 60,87%. Or, un article du Nouvelliste daté du 19 février 2010 et intitulé «Eau potable: une obligation de résultat » mentionne ce qui suit: «jusqu’à maintenant, la Ville de Shawinigan privilégie le scénario de puiser son eau potable dans le Saint-Maurice», puisque les sources actuelles sont surexploitées selon les normes gouvernementales.

Puis, le 10 juin 2010, la Ville émet un communiqué dans lequel elle fait part de sa décision de maintenir son approvisionnement en eau potable dans les deux principales sources actuelles : le lac à la Pêche et le lac des Piles. Les coûts actualisés du projet élaboré en 2006 étaient passés de 87 millions $ à plus de 113 millions $. La décision de la Ville constitue un «virage à 180 degrés» selon Bernard Lepage, dans un article paru dans L’Hebdo du Saint-Maurice, le 6 octobre 2010.

Finalement, le 19 septembre 2011, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs donne le feu vert à la Ville de Shawinigan pour son approvisionnement en eau potable à partir des lacs à la Pêche et des Piles.

Pour conclure, l’heureux dénouement de cette longue lutte est le résultat d’une course à relais, M. Angers figurant seul à la ligne d’arrivée. Il importe de donner le crédit également à tous les intervenants au dossier, notamment les citoyens qui, par référendum, ont soutenu massivement en 2009 le maintien des sources d’approvisionnement actuelles.

–          Carmen Melançon, Shawinigan