Procès avorté pour délais déraisonnables

Il n’y a pas que les membres du crime organisé qui ont vu leur procès avorté en raison des délais déraisonnables qui sévissent dans les différents palais de justice du pays. Un chasseur de la région de Shawinigan a déposé il y a quelques semaines avec succès la même requête pour voir les infractions qu’on lui reprochait disparaître…

Le 14 octobre 2013, Éric Allard est interpellé par un agent de la faune pour avoir contrevenu à la Loi sur la protection de la faune pour avoir tué un gros gibier au-delà de la quantité déterminée par règlement, de l’avoir possédé, et d’avoir omis de veiller à ce qu’y soit attaché un coupon supplémentaire. Le 25 février 2014, le chasseur reçoit les trois constats d’infraction reliés à cet épisode.

L’affaire est sans suite jusqu’au 6 juillet 2015, soit près de 21 mois après sa partie de chasse, alors que le présumé contrevenant reçoit un avis de la cour fixant sa première audition au 26 novembre 2015. À cette date, le juge fixe finalement le procès aux 11 et 12 mai 2016.  

Une semaine avant le procès, Éric Allard invoque un arrêt des procédures alléguant une imprécision constitutionnelle dans la loi. Prenant acte de la requête, le tribunal fixe l’audition au 14 septembre suivant. Le jour venu, elle est de nouveau reportée au 30 novembre.

Le 1er novembre 2016, Éric Allard signifie cette fois-ci une requête amendée en arrêt des procédures, ajoutant à ses motifs le délai déraisonnable pour la tenue de son procès en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.

C’est cette requête que la juge Annie Vanasse, de la Cour du Québec, devait entendre le 30 novembre dernier. La magistrat devait donc décider si le délai entre le début des procédures (le 25 février 2014) et la tenue du procès (le 11 mai 2016), soit 27 mois, était déraisonnable. Comme ce délai était indépendant de la volonté ou des agissements du défendeur, c’était au poursuivant d’en motiver les raisons. La juge Vanasse ne devait pas tenir compte de la requête d’Éric Allard déposée en mai, à propos de l’imprécision constitutionnelle, qui avait contribué à reporter le procès jusqu’en novembre.

Les procès avortés en raison de délais déraisonnables font les manchettes depuis quelques mois sur la scène judiciaire canadienne. Avec l’arrêt Jordan rendu à l’été 2016, la Cour Suprême du Canada a fixé le plafond à 18 mois à l’intérieur duquel doivent se tenir les procédures instruites devant une cour provinciale. Avant cette décision historique, l’arrêt Morin définissait les lignes directrices d’un délai institutionnel tolérable de 8 à 10 mois. Plusieurs membres en règle des Hells Angels ont ainsi dû être libéré ces derniers mois en raison de cette décision historique de la plus haute cour au pays.

Un délai de 5 mois à Shawinigan…

:Durant l’audience du 30 novembre, Geneviève Mawn, greffière en matière pénale au Palais de justice de Shawinigan et responsable des rôles, a révélé que le délai actuel pour fixer une audition est de plus ou moins 5 mois à Shawinigan, et ce à compter de la date de la signification d’un constat. Concernant la cause d’Éric Allard, elle ne pouvait expliquer le délai de 27 mois entre la signification des constats et la première date d’audition.

Dès lors, l’affaire était entendue. Jugeant que la cause ne présentait rien de complexe et que le poursuivant ne pouvait expliquer le délai de 27 mois, la juge Anne Vanasse a ordonné le 15 février dernier l’arrêt des procédures à l’encontre d’Éric Allard.