Salut le beau-frère!

Le temps des fêtes arrive à grands pas et, comme chaque année, on risque de parler de politique et – c’est plus fort que toi – tu ne pourras t’empêcher de me rabattre les oreilles avec ma situation de « privilégié », puisque je travaille pour les services publics québécois. Avec le contexte politique actuel, tu me diras peut-être en plus que le gouvernement doit faire le ménage dans la fonction publique. Comme je voudrais passer un beau temps des fêtes avec toi cette année, voici quelques points qui nous aideront à éviter ces éternelles chicanes.

« Vous êtes des gras dur! » Vraiment? Selon l’Institut de la statistique du Québec, les employés de l’État gagnent 8 % de moins qu’un autre travailleur québécois qui occupe le même type d’emploi. Même en tenant compte de mon régime de retraite et de mes avantages sociaux, mon revenu a moins augmenté que dans le secteur privé. En 25 ans, j’ai perdu 10 % de mon pouvoir d’achat. Pourtant, le prix du pain, de l’essence et de l’électricité augmente pour moi aussi.

« Oui, mais vous avez la sécurité d’emploi. » En fait, pas vraiment. Moins de la moitié des employés du secteur public ont un emploi à temps plein non précaire. Plus du tiers d’entre nous travaille sur appel, sans aucune sécurité d’emploi, et gagnent en moyenne 25 000 $ par année. Le reste de nos collègues travaillent à temps partiel – pas de quoi faire vivre une famille, surtout quand 75 % des emplois du secteur public sont occupés par des femmes. Dans mon cas, j’ai travaillé neuf ans à temps partiel et sur appel avant d’avoir un poste et deux ans supplémentaires pour obtenir la fameuse sécurité d’emploi. Une sécurité qui ne paie les gens à ne rien faire et vise surtout à protéger les jeunes employés.

« Bon, d’accord, mais vous avez la Cadillac des régimes de retraite! » Primo, on se le finance, notre régime de retraite. En moyenne, les employés auront une rente moyenne de 19 000 $ par année. Bonjour la retraite dorée! Dans mon cas, mes longues années de précarité me vaudront une retraite, à 60 ans, qui équivaut à 50% de mon salaire. Tu me diras qu’en tant que contribuable, tu n’as pas à payer pour mon régime de retraite. Pourtant, quand je vais au garage, ton boss inclut bien le coût du tien dans ma facture, pas vrai?

« Même si tout ça était vrai, le Québec n’a pas d’argent, vous devez faire vos sacrifices comme tout le monde! » Je te rappelle qu’ont fait les mêmes sacrifices que les autres contribuables, nos frais de garderies et nos impôts vont également augmenter. En plus, si on appliquait le régime fiscal d’il y a 20 ans, le Québec aurait aujourd’hui 4 milliards de plus dans son budget chaque année. Les entreprises paient aujourd’hui deux fois moins d’impôt au Québec qu’aux États-Unis. Mais j’imagine que pour augmenter les impôts des entreprises, ça demande un autre type de courage que de s’attaquer aux familles de la classe moyenne. Sans compter les entreprises qui font de l’évasion fiscale pour échapper à leur responsabilité sociale.

« Si vous êtes si mal traités, pourquoi vous n’allez pas travailler dans le privé ? » Mes collègues et moi on travaille dans le secteur public parce qu’on veut servir la population. On ne demande pas grand-chose en fait : juste d’être payés équitablement par rapport au reste des Québécois. Ceux que nous servons avec passion et dévouement, chaque jour, dans nos écoles, nos hôpitaux, nos CSLC, nos cégeps et nos centres d’hébergement publics.

Joyeuses fêtes, cher beau-frère!

Jean Poirier

Enseignant

Collège Shawinigan