Traitement des animaux: une remise en question à avoir au Québec?

OPINION. Avoir des animaux est une grande responsabilité. Pour moi ce sont des êtres sensibles et capables d’émotions, ce sont mes égaux. Bien sûr nous ne sommes pas pourvus des mêmes attributs et nos besoins physiologiques et affectifs ne sont pas les mêmes.

Je suis propriétaire d’une entreprise de traîneaux à chiens et j’aimerais apporter mon point de vue. Faut admettre que tout le monde pense bien faire, mais visiblement, il y’a un problème, puisqu’au Québec, nous avons une des pires situations en occident en regard au traitement des chiens, donc une remise en question n’est pas un luxe.

Tout n’est pas noir ou blanc, avant de porter des jugements, comme dans n’importe quoi, il est bien d’avoir un portrait plus général d’une situation avant de pointer du doigt. Il est clair qu’on ne peut avoir des chiens en totale liberté. Toutes les municipalités exigent que les propriétaires de chiens soient en tout temps et en toutes circonstances en contrôle de leurs chiens.

Alors, il y’a pas de miracle, c’est la chaîne ou l’enclos. Et un ou l’autre ne protège l’animal des histoires d’horreur et d’abus qui existent dans les deux situations. Il est vrai que bien des chenils ont des chiens qui sont négligés et attachés à la chaine, mais il y en aussi qui réussissent à répondre d’excellente façon aux besoins physiologiques et affectifs des chiens, voir bien mieux que bien des chiens de maison!

En effet on pointe facilement du doigt les chenils, mais un très grand nombre de gens ont des chiens domestiques qui ont rarement des sorties qui répondent à leurs besoins, qui sont obèses, qui ne sont aucunement stimulés et ont souvent des problèmes de comportements importants et personne en parle dans les médias. C’est aussi de la cruauté animale.

Avoir des règlements qui ne portent que sur les aspects physiques de la vie du chien, comme c’est le cas en ce moment, mais qui ne tiennent pas compte des besoins d’interaction, de stimulation, et des besoins affectifs, on avance certes, mais on n’y est pas encore. À mon sens, ce qui fait surtout défaut, c’est un manque de formation. Beaucoup de gens ont des animaux et ont beaucoup d’amour pour eux, mais ne connaissent pas les besoins réels de ceux-ci, et ne sont pas formés pour prendre soin d’animaux, tant du point de vue de santé que du comportement. Et c’est particulièrement vrai dans le monde du chien. On apprend sur le tas, auprès de gens qui ont appris de la même façon. Ça n’enlève rien aux bonnes intentions, mais ça ne donne pas de meilleurs résultats. J’ai commencé comme ça. Ces 20- 30 dernières années, l’éthologie canine (science du comportement des animaux) a fait des avancées incroyables et nous appris à mieux comprendre les chiens, donc à mieux répondre à leurs besoins. (En passant, la science, c’est pas de la théorie, c’est des travaux pratiques, mesurés, vérifiés.) Combien de propriétaires de chiens sont en mesure de nommer un éthologue?

Tant mieux si je me trompe… Toutefois, quand je lis des propriétaires de chenil qui préfèrent avoir des chiens attachés parce que c’est plus facile pour prévenir les bagarres, les accouplements involontaires, que c’est plus facile pour nettoyer, nourrir et atteler, ça me désole. J’ai 25 chiens, en enclos et parcs à chien. Zéro bagarre, tout est propre, je passe les inspections du MAPAQ haut la main. Mon protocole sanitaire et d’exercice n’est pas juste écrit sur papier, il est appliqué. Mes clients attèlent eux-mêmes les chiens sans avoir à courir après. Comment on fait?

On passe du temps, beaucoup de temps. On gère leur environnement, on éduque les chiens avec renforcement positif, jamais de violence verbale ou physique, jamais de « non », on travaille avec le TTouch pour avoir des chiens bien dans leur tête et dans leur corps. On leur apprend leur nom, à venir quand on les appelle. Oui c’est de l’ouvrage, mais quand on s’y applique, on trouve des techniques pour rendre ça plus efficace. C’est ça le métier. Et, rassurez-vous, j’ai aussi une vie 🙂

J’avoue que ça n’a pas suffi à retenir Inuk quand le porc-épic est passé et oui je suis allé en urgence chez le vétérinaire en pleine nuit avec une facture de 600$ parque j’ai préféré lui éviter la souffrance de lui arracher 200 dards à la maison pour économiser. C’est mon métier, c’est mon choix d’avoir des chiens, c’est aussi ma responsabilité, d’en prendre soin, de répondre à leurs besoins avant les miens, parce qu’eux n’ont pas eu de choix. De mon point de vue, quelqu’un qui n’a pas le temps la patience et l’argent que ça nécessite devrait s’abstenir d’avoir des animaux. J’ai aucunement la prétention d’être parfait, bien au contraire, je me perçois comme un junior et je cherche constamment à me remettre en questions, à améliorer mes connaissances. J’ai la chance de côtoyer des mushers dédiés à leurs animaux, qui eux font le choix de garder des chiens à la chaîne et qui m’ont énormément appris et m’apprennent encore. Des livres, des séminaires et des formations sont déjà disponibles. À mon sens, la réglementation qui à ce jour permet encore l’attache 24h/jour 7/7, ne va pas assez loin et devrait inclure une formation obligatoire pour tout gardien d’animaux, mais il faut admettre qu’à ce jour, l’éléphant a accouché d’une souris et ne fait pas consensus. Aussi, il faut admettre que c’est facile de critiquer, mais exiger de tout changer du jour au lendemain, c’est très difficile pour tous, dans tous les domaines. Je suis de ceux qui choisissent de voir les changements comme des opportunités, mais une des conditions de réussite aux changements c’est d’offrir un support, d’aider les gens concernés. Il y a bien des gens qui sont de bonne foi, qui auront de la difficulté à s’adapter à de nouvelles exigences, pourquoi ne pas les aider en leur accordant une période d’adaptation, comme cela s’est fait dans d’autres milieux avec des enjeux autrement plus sensibles avec des impacts sur le vivant tout aussi important.

Être en désaccord et discuter, c’est faire preuve d’ouverture, de curiosité, d’intérêt et permet à tous d’évoluer dans le sens du bien-être de tous dans la relation homme/chien. Ignorer ou nier c’est allez dans le sens contraire. Être en affaires avec des animaux et ne pas offrir les meilleures conditions de vie et les meilleures pratiques possible, bien que cela porte à interprétation, c’est se tirer dans le pied. La clientèle est sensible aux soins des animaux et récompensera ceux qui vont dans le sens du bien-être animal.

Faire des activités sportives avec des chiens et nier que ces activités se doivent d’être encadrées c’est aller contre la vague et couler au lieu d’utiliser son énergie et se projeter comme leader en la matière. L’opinion publique ne se laissera jamais convaincre qu’un chien attaché toute sa vie 24h sur 24h 7 jours sur 7 est bon pour lui, mais comprend que c’est plus facile pour le propriétaire. Et entre le confort du propriétaire et celui du chien, que choisira-t-il?

J’entends et lis beaucoup de mécontentement de la population au sujet de la maltraitance animale. J’entends et lis beaucoup du mécontentement dans le monde du chien au sujet de la règlementation des dernières années. Il est temps d’entendre et de lire tout ce qui se fait de bien dans le monde du chien. L’immense majorité des gens de chiens a compris que des animaux maltraités, mal nourris, mal entraînés, mal éduqués ne donnent rien de bon. L’immense majorité des gens de chiens a à coeur le bien-être des animaux et est prête à évoluer.

L’immense majorité des gens de chiens a un bagage de connaissances et d’expériences de loin supérieur à la majorité de la population qui, mal informée nous pointe du doigt. Il est temps de le démontrer. Cessons de laisser quelques individus établir un standard de médiocrité et positionnons-nous en leaders. Nous sommes tous des mammifères, nous respirons le même air, buvons la même eau, respectons la vie, respectons-nous.

Maxime Leclerc-Gingras

Manitou Mushers Manitou Mushers