Ann Marlène Gagnon au chevet des œuvres d’art

PATRIMOINE.  Dans une précédente vie, elle prodiguait des soins aux malades et aux mourants. Depuis une quinzaine d’années, c’est au chevet des œuvres d’art qu’elle consacre désormais son temps et sa passion.

«Les œuvres, elles sont vivantes. Tout comme nous, elles vieillissent. Il faut des gens pour en prendre soin», explique Ann Marlène Gagnon.  Dans son atelier logé dans une ancienne usine de chemises du secteur Grand-Mère, la conservatrice-restauratrice est entourée de dizaines de toiles, aquarelles, gravures. Certaines ont plus deux siècles d’âge, d’autres quelques dizaines d’années à peine.

Quand nous la rencontrons, elle est à finaliser la restauration et la conservation d’une copie de La Madone à la chaise, de Raphaël. «On ne connait pas celui qui l’a peint, mais ce tableau doit avoir environ 250 ans», estime-t-elle. L’œuvre, qui appartient à une galerie à Ottawa, est arrivée à Shawinigan en bien piètre état. Un vernis tout oxydé avait donné un visage orangé à la Vierge; des trous et déchirures parsemaient la toile; et la couche picturale était sur le point de décoller du support sur lequel l’artiste avait accouché de son œuvre.

Après une cinquantaine d’heures à enlever tous les corps étrangers au tableau pour lui redonner son intégrité originale, Ann Marlène Gagnon en mettra tout autant au travail de restauration, la partie plus esthétique de son travail. «Une fois terminé, entreposé dans des bonnes conditions, il pourra être conservé pour encore 100 ou 200 ans », souligne-t-elle.

Native de la Côte-Nord, elle a appris son métier à Paris où elle est demeurée une dizaine d’années. «C’est une formation qui se donne en Ontario, mais l’avantage de la faire en Europe, c’est qu’on a accès à un patrimoine extraordinaire.» Aujourd’hui, la conservatrice-restauratrice est l’une des rares au Québec à avoir développé une expertise autant pour les tableaux et les papiers que les encadrements.

Ann Marlène Gagnon

D’infirmière à restauratrice

Durant quinze ans, Ann Marlène Gagnon a travaillé comme infirmière, notamment aux soins palliatifs. Dans la trentaine, elle opère un virage à 180 degrés en s’inscrivant à l’université en arts visuels, un domaine qui l’a toujours attiré. Un jour, accompagnant un professeur au Centre de conservation de Québec, elle trouve sa voie. «C’était comme un hôpital, mais pour des œuvres d’art. Les restaurateurs travaillaient avec des produits chimiques. Un peu comme moi qui préparais des recettes avec des médicaments quand j’étais infirmière. Je les voyais avec des scalpels, des seringues, des lunettes. Ils faisaient des diagnostics, des propositions de traitement. Tout ce qui me passionnait se retrouvait là.»

La restauration d’une œuvre d’art n’est pas nouvelle en soi, mais avant de devenir une véritable profession il y a une cinquantaine d’années, ce sont les artistes qui veillaient à redonner du lustre aux œuvres de ceux qui les avaient précédés. Ne se contentant pas de les restaurer, ils pouvaient parfois apporter leur touche à l’œuvre en changeant une teinte ici et là. «Aujourd’hui, tout ce que fait un restaurateur sur une œuvre doit se limiter à ce qui est abimé. On travaille avec des matériaux réversibles, avec lesquels on peut retourner en arrière. Nous avons un code de déontologie très strict», précise-t-elle.

Il s’agit d’un travail minutieux qui peut demander d’innombrables heures sur quelques centimètres carrés. «Nous sommes des passionnés», confie Ann Marlène Gagnon qui éprouve autant de plaisir à travailler sur un tableau de trois siècles qu’un souvenir de famille. «Une cliente m’a apporté l’autre jour une encre sur soie que son grand-père avait rapportée du Japon. Il y avait fait dessiner un portrait de sa femme par un artiste de là-bas. La pièce de soie avait été collée dans un album et était en mauvais état. Chaque mandat a son propre défi», termine la restauratrice.

Pour se familiariser avec le travail d’Ann Marlène Gagnon, on peut visiter son site web www.atelier-du-patrimoine.ca