De la rue Saint-Charles au Japon

Il a grandi sur la rue Saint-Charles dans le quartier Saint-Marc mais habite en banlieue de Tokyo depuis 44 ans. Son désir le plus cher: boucler la boucle et présenter une exposition à Espace Shawinigan.

Le sculpteur Claude Descôteaux n’a jamais oublié ses racines. Âgé aujourd’hui de 73 ans, ce singulier homme revient chaque automne accomplir son pèlerinage annuel en Mauricie où vivent encore plusieurs membres de sa famille.

Comment ne pas le croire. Cet artiste qui a signé des expositions en 2001 et 2006 à l’Ambassade du Canada au Japon inscrit encore dans sa bio (www.claudedescoteaux.com) ses présentations solos à l’École supérieur Immaculée-Conception et à l’Hôtel de ville de Shawinigan dans les années 1950 et 1960 bien que celles-ci n’aient plus aucun rapport avec sa production actuelle.

Alors qu’il était dans l’erre du temps chez la jeunesse artistique québécoise de se rendre à Paris en 1967, Claude Descôteaux devient l’un des premiers francophones – en dehors des religieux – à s’établir au Japon. «C’est un peuple homogène comme l’était le Québec de l’époque Duplessis. Encore aujourd’hui même si je parle leur langue, je suis un étranger, un blanc dans un monde de jaune», expliquait avec humour le Shawiniganais en parlant de son pays d’adoption lors d’un passage dans son patelin.

Au fil de quatre décennies, c’est tout son cheminement artistique qui a été imprégné par son environnement oriental. Le jeune Shawiniganais des années 1950 qui peignait des scènes urbaines de la 5e rue a graduellement fait place à un sculpteur mature, maîtrisant des techniques artistiques millénaires que mêmes ses collègues japonais n’utilisaient plus ou ne connaissaient même pas.

SUITE EN PAGE 2

«La tête de mon oncle!»

Malgré tout, ses créations là-bas sont encore décrites comme des œuvres imprégnées des traditions japonaises «qui racontent non pas l’abandon du Québec mais l’apport de son jeune pays d’origine.» Le titre de l’une de ses sculptures, Les placotteuses, ne peut mieux évoquer son attachement à ses racines québécoises tellement sa traduction parait périlleuse en aucune autre langue.

Depuis les années 2000, Claude Descôteaux a développé une série d’une cinquantaine de sculptures en plâtre dites dualistes, jouant sur la confrontation entre la matière et le vide, la lumière et l’ombre. Sa production comprend des formes abstraites mais aussi des têtes de personnalités comme Mère Theresa, Alfred Hitchcock mais aussi son concitoyen Jean Chrétien.

Concernant cette dernière oeuvre, l’artiste se rappelle encore de la réaction de l’ancien ambassadeur Raymond Chrétien lors d’une rencontre à Tokyo qui, face à la sculpture, déclara: «Mais je le reconnais: c’est la tête de mon oncle!»

Sensible à tout ce qui rappelle l’art, le Shawiniganais ne manque jamais l’une de ses visites en terre natale pour découvrir la nouvelle exposition à Espace Shawinigan. Il aime bien le visage du Shawinigan actuel qui n’a plus rien à voir avec la ville qu’il a quittée dans les années 1960.

Son vœu le plus cher serait d’y exposer un jour ses propres sculptures. Il s’agirait évidemment pour l’ancien petit garçon de la rue Saint-Charles d’un retour aux sources.