L’assassin toujours au large?

Marcel Bernier est-il l’auteur des meurtres de Denise Therrien, une jeune fille de seize ans, et de Laurette Beaudoin, une prostituée de Cap-de-la-Madeleine, survenus en août 1961 à Shawinigan?

Concepteur du film La lâcheté, qui sera projeté en grande première le 6 avril prochain au Festival de cinéma des 3 Amériques à Montréal, Marc Bisaillon émet l’hypothèse que l’assassin court toujours.

C’est que le réalisateur a scénarisé son film à partir du livre Le fossoyeur écrit par Marcel Bernier lui-même en janvier 1977, quelques mois avant son décès d’une crise cardiaque dans une prison de Colombie-Britannique.

Condamné à mort pour le meurtre de Denise Therrien, sentence commuée par la suite en une peine de prison à vie, le présumé coupable a toujours plaidé son innocence, attribuant les crimes au pimp de Laurette Beaudoin qui avait planifié avec elle l’enlèvement de Denise Therrien dans l’éventualité de réclamer une rançon à la famille.

Fossoyeur du cimetière Saint-Michel et malheureux dans son mariage, Marcel Bernier entretenait une liaison avec la prostituée et c’est ainsi qu’il aurait été impliqué dans cette sordide histoire. Quatre ans après les meurtres et après maints rebondissements dans l’enquête, Bernier conduisit les policiers jusqu’au cadavre de la jeune adolescente dans un boisé du rang Saint-Mathieu. Celui de la présumée complice du meurtrier avait quant à lui été enterré dans le cimetière où travaillait le fossoyeur.

Au-delà des qualités cinématographiques de La lâcheté, le rappel de ces événements ont remué, dès les premiers coups de manivelle l’été dernier dans la région de Montréal, de tristes souvenirs pour les familles des deux victimes qui demeurent toujours dans la région.

Un docu-fiction?

«Mon idée n’est pas de créer une polémique chez les proches des victimes. Je ne suis pas non plus un justicier. C’est une œuvre de fiction et non un documentaire», se défend au bout du fil Marc Bisaillon qui sera à Shawinigan le 2 avril au Cinéma Biermans pour un visionnement de presse en compagnie des comédiens (Denis Trudel, Hélène Florent, Geneviève Rioux et Gaston Lepage). D’ailleurs, tous les noms des personnages réels ont été changés dans l’œuvre et aucune référence n’est divulguée quant au lieu véritable du crime.

Devant la réprobation des proches des victimes, Bisaillon admet avoir eu un doute mais le projet était trop avancé pour reculer. «Ce n’était pas mon intention de troubler la famille. Mais en même, je me dis que si l’histoire du fossoyeur est vraie, il y a un assassin qui est toujours en liberté.»

Le réalisateur a eu l’idée de son film en tombant par hasard sur les confidences de Marcel Bernier il y a quatre ans. «Un livre à 1$ acheté dans une station service pour passer le temps durant le trajet entre Yamaska et Montréal. Je l’ai lu d’une traite et l’idée m’est venu d’en faire un long métrage.»

De cette première lecture, Bisaillon a immédiatement été impressionné par la lâcheté de Marcel Bernier qui n’aurait rien fait pour empêcher les noirs desseins de Laurette Beaudoin et de son proxénète. «J’ai adopté le point de vue de Bernier – devenu Conrad Fournier dans le film -, un homme lâche qui, épris de passion pour son amante, en vient à oublier toutes ses valeurs morales.»

Le réalisateur a littéralement tout dévoré des faits et rumeurs entourant cette histoire. «J’ai lu tous les articles d’Allo-Police, du Nouvelliste et de la Gazette à ce sujet. J’ai même eu accès au compte rendu du procès. La seule information qu’on n’a pas voulu me donner, ce sont les retranscriptions des interrogatoires réalisées par la police.»

Rendez-vous du destin, c’est sans le savoir que Marc Bisaillon a confié le rôle de Conrad Fournier à Denis Trudel, un comédien qu’il fréquente depuis une dizaine d’années et qui est originaire… de Shawinigan. «C’est un pur hasard. Il ne connaissait pas l’histoire mais sa famille s’en rappelle très bien.» La lâcheté se déroule sur deux mois, période où les meurtres sont commis et où l’enquête se met en branle. Au-delà de la controverse causée par son film, le réalisateur espère que les Shawiniganais iront voir son film, ne serait-ce que pour se forger leur propre jugement sur cette histoire.