Raymond St-Jean réalise son premier long-métrage de fiction

CINÉMA. Le réalisateur Raymond St-Jean roule sa bosse depuis de nombreuses années. Depuis le début de sa carrière, il a réalisé des documentaires, des adaptations de pièces de théâtre, des chorégraphies et même des projections vidéo pour le Cirque du Soleil. Maintenant âgé de 61 ans, le voilà qui vient de réaliser de son tout premier long-métrage de fiction, Crépuscule pour un tueur, actuellement au cinéma.

« Il y a des gens qui tournent jusqu’à 90 ans, lance le réalisateur originaire de Shawinigan en riant. Je suis le petit nouveau en fiction. J’en ai rêvé toute ma vie. Ma carrière tourne beaucoup autour du documentaire. J’ai fait quelques fictions et des moyens-métrages, mais je me suis surtout concentré sur des documentaires sur les arts de la scène et des portraits d’artistes. »

Après environ six ans à concevoir des vidéos pour les spectacles du Cirque du Soleil, période pendant laquelle Raymond St-Jean avait un peu laissé le cinéma de côté, il a décidé de revenir vers le 7e art.

« J’ai fait quelques documentaires, dont un sur Louise Lecavalier, depuis, mais je voulais aussi essayer de faire un film de fiction. Je savais que ça prenait un sujet qui me tienne à cœur et que je pourrais porter pendant cinq ou six ans, car c’est long écrire et financer un film, sans compter que tu ne sais pas, au départ, si ça pourra aller de l’avant », explique-t-il.

Crépuscule pour un tueur met en vedette Éric Bruneau, Rose-Marie Perreault, Benoît Gouin et Sylvain Marcel. Éric Bruneau y interprète le tueur à gages Donald Lavoie qui travaillait sous les ordres de Claude Dubois, le boss de la pègre du Sud-Ouest de Montréal, au tournant des années 80. Lorsqu’un double-meurtre ne se déroule pas comme prévu, Lavoie se retrouve pris en étau entre le clan Dubois et la police qui le pourchasse. Si de nombreux éléments du film sont de l’ordre de la fiction, l’histoire se base sur des faits historiques retracés dans les journaux et les documents publics de l’époque. D’ailleurs, c’est avec Donald Lavoie qu’est né le programme de protection des témoins.

« J’avais cette idée dans mon tiroir depuis longtemps. C’est quelque chose que je connaissais à l’adolescence. J’ai entendu parler des frères Dubois pour la première fois à cette époque et j’ai commencé à lire là-dessus, raconte Raymond St-Jean, qui a co-scénarisé le long-métrage avec Martin Girard. Quand Donald Lavoie est apparu en scène, dans la période que l’on raconte dans le film, il était à peine connu. C’est lorsqu’il qu’a décidé de devenir témoin que son nom est sorti sur la scène publique. Il s’est mis à raconter des choses et il y avait beaucoup d’articles à ce sujet publiés dans les journaux. »

Le film aurait pourtant pu être bien différent. Au départ, Raymond St-Jean avait commencé à écrire l’histoire d’un vieux Donald qui n’est plus dans le crime et qui est forcé de revenir en ville, devant se battre contre ses anciens ennemis.

« J’ai ressorti toute ma recherche quand j’ai commencé à travailler avec Martin Girard sur le scénario. On a fouillé là-dedans. C’est Martin qui a suggéré de recentrer le film sur les quelques années où se déroule l’action, ce qui est devenu le film actuel. Ça coûte cher de financer un film d’époque, mais on s’est lancé avec cette idée. On avait le personnage et une histoire solide. La matière était bonne », confie-t-il.

Un tournage comme dans les années 70…

Raymond St-Jean ne s’est pas limité à recréer les années 70 et 80 à l’écran par les décors et les costumes. L’époque s’est littéralement incrustée dans la réalisation elle-même.

« Plutôt que de regarder des films qui ont été produits dans les 20 dernières années et qui se déroulent dans les années 80, on a regardé des films qui ont été faits à cette époque, précise le Shawiniganais d’origine. Pour éviter certains clichés, entre autres. Par exemple, dans un film produit dans les années 70, la caméra est moins stable, car ce n’était pas le même équipement qu’aujourd’hui », souligne-t-il.

« Aussi, les cinéastes commençaient beaucoup à tourner dans la rue. Des réalisateurs ont fait beaucoup de films de gangsters entre 1970 et 1975, et ils utilisaient beaucoup la caméra à l’épaule. Ils tournaient aussi beaucoup en milieu naturel plutôt qu’en studio. Tu as l’impression que c’est vrai. On cherchait cette impression de réalisme dans la manière de filmer. On ne souhaitait pas faire un pastiche: on voulait que les gens se sentent dans l’époque, mais sans savoir pourquoi », ajoute-t-il.

…mais en pleine pandémie!

Le tournage de Crépuscule pour un tueur a eu lieu en pleine pandémie de Covid-19, au moment des consignes sanitaires. Deux acteurs avaient le droit se retrouver sans masque à moins d’un mètre pendant un maximum de 15 minutes par jour, à la seconde près. Les consignes sanitaires ont d’ailleurs contraint plusieurs cinéastes à repousser leur tournage dans les circonstances.

« Les règles étaient sévères. On avait l’avantage d’avoir moins de personnage dans le film, donc ça se gérait quand même bien. Ça nous imposait une discipline également: tu penses plus, tu tournes moins, tu fais attention à ce que tu fais, tu te concentres plus, tu répètes plus et avec des masques. Mais je ne me suis pas senti limité dans ma créativité ou ma vision », détaille-t-il.

La pandémie aura eu un avantage non négligeable. Comme les acteurs ne tournaient pas pendant les trois ou quatre mois précédant le tournage du film, Raymond St-Jean leur a demandé de se laisser pousser les cheveux et la barbe. « Comme ça, en préparation, on n’avait qu’à couper. Ça fait en sorte qu’on n’a pas eu à utiliser des perruques et des postiches. C’est tout naturel, indique le réalisateur. C’est un enjeu quand on recrée les années 70, car les acteurs doivent normalement porter des perruques puisqu’ils participent à plusieurs projets en même temps et qu’ils doivent être raccord dans leur série télé, par exemple. »

Un film d’horreur dans les cartons

Maintenant que ce projet est complété, Raymond St-Jean entend continuer ses démarches pour réaliser un prochain long-métrage.

« Avec Martin [Girard], on a écrit un autre film, un film d’horreur. C’est totalement un autre genre! On est en financement présentement. On verra après. Qui sait, j’aurai peut-être des offres aussi. Je commence à réaliser des films de fiction à 61 ans. Je suis comme un miraculé. Il y a peut-être trois ou quatre films en moi, j’espère », conclut-il.

Le film Crépuscule pour un tueur est à l’affiche dans les cinémas du Québec depuis le 10 mars.