Redonner une voix aux travailleuses de l’industrie textile

ARTS VISUELS. L’exposition Anamnèse de l’artiste Anne Billy, présentée au Centre d’exposition Léo-Ayotte, fait écho au passé industriel textile et la région et raviveront sans doute plusieurs souvenirs aux visiteurs.

Différents outils typiques de la couturière sont utilisés pour la création des œuvres: ciseaux, aiguilles, rouet, canneliers, bobines et plusieurs autres. Les différentes techniques, que l’on pense à la couture, la courtepointe ou la broderie, qui s’y retrouvent mettent également à l’honneur l’inventivité de l’artisanat féminin. Des bribes de poésie s’y glissent aussi.

« Le labeur des femmes dans ces usines a eu peu de reconnaissance. Dans mon processus de recherche, j’ai aussi écouté des entrevues. J’ai d’ailleurs transcrit une partie d’une entrevue à la craie dans l’exposition. L’extrait parle des difficultés de travailler et d’avoir plusieurs enfants à la maison. Ces femmes n’ont pas eu des vies évidentes. Elles devaient aussi s’occuper de l’aspect de la maisonnée. Cette exposition se veut un peu un hommage à ces femmes et aux artisans du milieu du textile », explique Anne Billy.

À la manière d’une chercheuse de trésor, Anne Billy a parcouru les brocantes et vieilles usines et est allée à la rencontre d’artisans et d’anciens travailleurs et travailleuses pour dénicher des artefacts qui trouvent une nouvelle voix dans l’exposition.

De vieilles navettes de tissage deviennent une flotte de navires, tandis qu’un ancien dévidoir et une quarantaine de vieux ciseaux de couture sont transformés une installation suspendue. Et d’anciennes bobines servent de canon à projeter les fils dans l’exportation textile.

« Le plaisir est multiplié par toutes ces rencontres que j’ai pu faire et la recherche de ces objets. J’ai aussi cherché des archives sur les ouvrières de l’industrie du textile. Par exemple, pour travailler à la Wabasso à Shawinigan, l’une des plus grandes usines de textile au monde à l’époque, les femmes venaient de l’extérieur de la ville. Certaines étaient hébergées par des religieuses. Le Québec a été marqué par une vague importante de ces ouvrières », souligne Anne Billy.

Au cours du mois de novembre, l’artiste a aussi eu l’occasion d’aller à la rencontre d’élèves de Shawinigan dans différentes écoles, une expérience qu’elle a beaucoup appréciée. Elle mentionne la curiosité des jeunes qu’elle a rencontrés.

« Je suis contente de présenter l’exposition ici parce qu’elle touche directement la région. C’est quand même étonnant de penser que sur 100 ans, ces usines ont été bâties et on est passé à autre chose », ajoute-t-elle

C’est depuis 2014 que l’artiste multidisciplinaire s’intéresse particulièrement au textile et aux fibres dans sa démarche artistique.

« Ce qui me touchait dans le textile, c’est le travail féminin qui se cache derrière. J’ai trouvé des courtepointes anciennes qui mettent des centaines d’heures à faire. Ça demande énormément de minutie. J’ai vraiment le souci du détail et je le vois chez les autres. Je vois tout ce temps qui est mis sur un projet. Je pense que c’est ça qui vient me chercher », note-t-elle.

« Le travail des femmes a souvent été négligé ou peu abordé, surtout celui des femmes humbles. C’est une majorité de personnes et ça touche beaucoup de monde. En utilisant des objets anciens, ça vient faire ressurgir le travail de ces personnes. Je les fais parler autrement. Se remémorer ces femmes à partir d’un vieux tablier ou un vieil artefact, ça nous amène à une réflexion sur cet univers », conclut l’artiste.

L’exposition Anamnèse est présentée jusqu’au 11 décembre au Centre d’exposition Léo-Ayotte.

On pourra également voir de nouveau le travail d’Anne Billy dans la région l’été prochain, alors qu’elle participera à la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières. Elle exposera une œuvre inspirée d’un objet de la réserve du Musée POP.