Un café avec Maritza Alvarez

CULTURE. Avec ses cheveux frisés et ses yeux rieurs, Maritza Alvarez ne passe pas inaperçue. Elle aborde tout le monde. Très impliquée auprès de sa communauté, la vie de cette chilienne d’origine a un fil conducteur, celui de l’intervention par le théâtre, de la libération par l’expression, le tout abordé avec son cœur d’enfant encore bien présent.

À LIRE AUSSI: Noël à travers les yeux des nouveaux arrivants

«J’aime remettre aux gens leurs pouvoirs. Ça me touche», explique-t-elle à l’approche des Fêtes dans son café préféré du centre-ville. Poussée par la solidarité et une conscience collective et communautaire aiguisée, Maritza Alvarez est une militante pour les droits des femmes et pour la justice sociale.

Elle a travaillé comme animatrice communautaire, agente de réinsertion sociale et intervenante auprès des femmes, des enfants et des nouveaux arrivants ou encore comme éducatrice à la petite enfance. Elle a aussi participé à la création de pièces de théâtre social.

Par les arts, elle souhaite que la souffrance se transforme en moteur, notamment par les techniques du «théâtre de l’opprimé» d’Augusto Boal. Elle estime que la création sous toutes ses formes facilite l’accès à des zones difficilement atteignables autrement. «Ça permet d’entrer dans une vulnérabilité importante. On ne peut pas s’ouvrir avec n’importe qui, n’importe quand», explique celle qui faisait du théâtre de rue avant même de quitter le Chili à 22 ans.

«L’expression de moi a fait en sorte que je me suis prise en main devant cette souffrance d’exilée. Quand je m’exprime, quand je parle, ça crée un espace qui me permet de m’actualiser.» Colorée, elle se décrit comme un «saule pleureur heureux», sauvage et enracinée.

D’où lui vient cette fougue? «Ma famille est comme ça, mais le peuple chilien aussi. Il s’engage dans la communauté et il crie haut et fort si ce n’est pas juste. On a une histoire politique qui nous a rendus comme ça. C’est la mémoire collective.»

À Shawinigan comme à la maison

Le 11 septembre 1973, dans un coup d’État, le général Augusto Pinochet renversait le président chilien élu démocratiquement Salvador Allende. Pendant de nombreuses années, le régime de Pinochet aura notamment été marqué par plusieurs violations des droits de l’homme.

C’est dans ce contexte qu’elle est arrivée au Québec, à Montréal, le 4 avril 1979. Ses deux enfants sont nés à Montréal. Elle a trois petits-enfants, deux à Montréal et un à Shawinigan. Ça fait maintenant 10 ans qu’elle habite Shawinigan, ville qu’elle a vu s’ouvrir et évoluer. Elle apprécie toujours cette nature qui la borde.

«J’aime voir quelque chose s’épanouir. Quand je suis arrivée ici, le virage commençait. Il y a beaucoup de gens qui viennent d’ailleurs maintenant.»

Elle croit fermement qu’il est possible de s’intégrer à un autre pays en y apportant sa couleur, en étant un citoyen qui contribue au milieu. «Quand on a une bonne volonté, peu importe où on vit, ça goûte bon.»

Dix ans après être arrivée à Shawinigan, elle touche à ce sentiment si fragile chez les exilés: le sentiment d’appartenance.

Si elle estime que les besoins de base sont rapidement comblés pour les réfugiés au Canada, elle croit que les citoyens peuvent se montrer encore plus accueillants. «Il y a des gens qui ont besoin d’être entendus, sans être jugés. Ils traînent une histoire qu’on ne connait pas. C’est le cadeau que je ferais à tout le monde.»