Claude Gill: Booking.Alberto

BRESIL.  Grand, mince, basané, sans gilet et avec un bermuda laissant voir une craque de plombier au verso, Alberto est mon hôte à Rio. Du Pacifique à l’Atlantique, du Chili au Brésil, je suis maintenant dans cette ville ayant la réputation de tous les dangers, je suis dans le centro de Rio de Janeiro chez Alberto.

L’obscurité se présentant sur la pointe des gougounes vers 18 heures, je suis arrivé ici à la noirceur au seuil de la première porte grillagée et barrée me donnant accès à la maison d’ Alberto. De la rue, m’étirant le bras au-delà de la grille et des ténèbres, j’essaie toutes les sonnettes que je peux atteindre. Quelques réponses en portugais des voisins, je parle anglais, je me débrouille bien en espagnol, mais je bafouille la langue portugaise… et pas d’Alberto en vue. Heureusement un homme qui habite le bled arrive et me fait passer la première porte.

Genre de mini ruelle accidentée à grimper avec mes bagages, 40 mètres plus haut, Alberto apparaît enfin à la deuxième grille. À monter encore, il prend mon sac à roulettes pour m’aider et se rendre à ma nouvelle chambre. Trois clés, de la chambre à la rue qu’il me remet, j’essaie de conjuguer sécurité et insécurité dans une même phrase. Favela aurait été inscrit au dessus de la porte d’entrée de sa maison que j’y aurais cru!

Fantastico, 9 sur 10, et à prix correct qu’on lit sur booking.com… que je me suis gouré en réservant cette adresse située dans le quartier Santa Teresa! Les microfourmis, la chambre qui sent l’humidité, l’internet moins rapide qu’une tortue en marche arrière, le ventilateur plus bruyant qu’il fait de l’air, les genoux accotés dans le mur lorsqu’on s’assoit sur le banc de toilette…  et l’omniprésence d’Alberto qui nous laisse croire qu’on est continuellement dans un centre de la petite enfance. 

Mais je profite de mes journées au centre-ville pour visiter différents lieux et fréquenter les Cariocas. Le superbe théâtre municipal, la bibliothèque nationale, des musées ainsi que l’extravagant escalier Selarón pour ne nommer que quelques endroits . L’œuvre de l’artiste d’origine chilienne Jorge Selarón qui lui a consacré plus d’une dizaine d’années de sa vie est maintenant classé monument historique. Il y a tant à voir ici.

Et j’ai déniché le bar local de bonshommes et de bonnes  femmes de ma génération pour l’apéro. Je préfère ce genre d’endroit avec quelques tables et chaises improvisées sur le trottoir d’une rue grouillante à un bar étoilé de touristes se snobant entre eux et se plaignant des motifs de la tapisserie de leur chambre d’hôtel.

Il n’y a pas de tapisserie dans ma chambre, probablement une shed avant que ce ne soit ma chambre. Et même si Alberto essaie de me retenir, après avoir dormi mes trois nuits réservées, je voulais améliorer mon sort. Je déménage à Ipanema, quartier aisé, chic et branché de Rio. Superbe et très propre auberge de jeunesse à 50 mètres de la plage incluant un excellent petit déjeuner et un lot de nouveaux ami.e.s, j’y ai passé une mémorable semaine!

Le Pain de Sucre, le Christ Rédempteur, et les célèbres plages de Copacabana et d’Ipanema agrémentées de baigneuses portant des culottes de bikini en rupture de tissus qui laissent apparaître les fesses… me font joliment oublier la craque de plombier d’Alberto! Et les matchs de volley-ball de plage féminin sont spectaculaires. Toutes les fois qu’il y avait un beau jeu, je levais de ma chaise pour faire la vague avec mon voisin Atlantique. Probablement fou de ce sport, l’Atlantique fait la vague avec une ampleur capable de nous jeter au plancher!

Au moment de quitter Alberto et le centro pour Ipanema, je pensais faire le trajet en combinant bus, métro et quelques pas… Mais avec mes bagages et une heure de trajet plus loin à la noirceur, Alberto me conseilla un taxi. Bonne idée! Il m’accompagna même à la rue et me héla un taxi. Avant de se laisser, il m’a demandé pour une énième fois de lui accorder une excellente note sur booking.com, comprendre 10/10! Avec un grand sourire, je l’ai remercié et lui ai promis de donner un bon score à sa busine$$.

Comme on peut aimer une garce, je t’ai adoré Rio de Janeiro. Je me suis baladé dans tes rues, abusé de tes plages, utilisé tes autobus et tes wagons de métro et j’en suis ressorti avec ma carte de crédit, mon téléphone et mes cheveux bien cachés sous le couvre-chef!

Quant à toi mon cher Alberto, merci pour la profonde authenticité brésilienne vécue dans ta maison. Mais pour bien rêver avec ma conscience et ne pas vouloir nuire à ton hôtel ainsi qu’aux prochains voyageurs, je renie ma promesse. Je me suis abstenu de coter ton hébergement sur booking.com. Couvre-toi d’un gilet et remonte tes culottes… ça améliorera davantage ton score!