De résidence pour aînés à maison des nations
VOCATION. À l’automne 2023, la Résidence de l’Arche se résignait à abandonner sa certification de RPA (résidence pour personnes âgées) devant les nouvelles exigences du CIUSSS et les investissements requis pour s’y conformer. Du jour au lendemain, le grand édifice de 82 appartements de la rue Hemlock à Shawinigan se retrouvait vidé presque entièrement de ses occupants.
Pendant la même période, Denise St-Louis, la responsable des locations, regardait un reportage à la télévision sur les étudiants étrangers en Mauricie. » Ça m’a donné une idée et j’en ai parlé au propriétaire Yvon Perreault qui m’a demandé de m’informer et de lui revenir. J’ai donc écrit sans trop d’espoir au SANA (Service d’accueil aux nouveaux arrivants) de Shawinigan et au Cégep de Shawinigan et quelques jours après, ils me rappelaient en me demandant quand veut-on commencer », se rappelle-t-elle.
Dès le mois de novembre 2023 et jusqu’au mois de mai 2024, les nouveaux occupants commencent à arriver semaine après semaine. Du Togo, du Congo, du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Cameroun, du Sénégal, du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie. Aujourd’hui, plus de 50 des 82 appartements de la Résidence de l’Arche sont occupés par des étudiants et des travailleurs venus du continent africain.
« Je me suis acheté une carte du monde pour savoir d’où ils venaient. Je ne savais même pas que l’Algérie, c’était en Afrique », sourit Denise St-Louis, toujours secondée dans cette aventure par son conjoint Denis Plante.
En fait, le mandat du couple, qui habite aussi dans l’immeuble, déborde largement de son rôle de locateur auprès des résidents, en les accompagnant pour leurs achats au magasin ou à l’épicerie, imprimant la paperasse administrative, allant les cueillir à l’aéroport ou les transporter chez un employeur, etc.. « Plusieurs d’entre eux nous appellent papa et maman. Ils savent qu’ils peuvent compter sur nous. Leurs proches habitent au bout du monde et je pense qu’on représente un peu leur famille ici », poursuit la Shawiniganaise.
De différentes confessions religieuses, – chrétien, catholique et musulman – plusieurs des locataires utilisent l’ancienne chapelle de la résidence pour aînés pour se recueillir. « Je leur ai dit : nous sommes une résidence laïque ici. Il y a une chapelle, mais il n’y a plus de curé. Vous pouvez l’utiliser pour vous recueillir, mais je veux que chacun respecte les autres. Si les sujets deviennent trop enflammés, on arrête tout ça. »
Certaines personnes âgées autonomes qui habitaient la résidence avant son changement de vocation y demeurent toujours et la cohabitation avec les nouveaux arrivants se passe bien. « Je dirais même que ça leur a donné un coup de jeunesse de côtoyer des plus jeunes au quotidien, réagit Josée Lefebvre, directrice générale de la Résidence de l’Arche.
Intergénérationnel et interculturel
À la cafétéria, elle se rappelle d’un M. Caron qui avait invité à sa table un travailleur étranger qui s’en allait dîner seul dans son coin. « Ils jasent entre eux et même, c’est parfois les jeunes qui vont s’offrir pour faire les commissions des personnes âgées », souligne Denise St-Louis qui ajoute que près d’un an après le début de cette aventure, ses premiers locataires commencent eux-mêmes à prendre en charge les nouveaux qui font leur entrée.
Parmi les locataires de l’édifice de la rue Hemlock, une Congolaise de 72 ans venus rejoindre son fils. « Cette dame a retrouvé une raison de vivre en venant ici. Aujourd’hui, elle fait du bénévolat dans un CHSLD de Shawinigan et elle est un peu comme la maman des plus jeunes », raconte Denise St-Louis encore émue en se souvenant d’un ancien locataire parti il y a quelque temps et qui lui a écrit récemment une lettre. « Je lisais ça et je braillais toute seule. »
« Ça prend des personnes de cœur pour faire ce que Denise et Denis font ici. C’est du 24/7 », complimente Josée Lefebvre en parlant du couple qui ne compte pas les heures. « C’est beaucoup d’investissement, reconnaît Denise St-Louis. Ce n’est pas juste un travail, c’est beaucoup plus que ça. Il faut aimer les gens. Tout ça part d’aimer les gens », termine-t-elle.