La courtepointe dans tous ses états
ARTS VISUELS. Sous les mains et la créativité de Brigitte Gagnon, les courtepointes traditionnelles à motifs deviennent de véritables œuvres d’art rappelant les tableaux des maîtres de l’abstraction géométrique.
« Ce ne sont pas des couvertures pour les lits ou pour se couvrir en regardant la télé. On peut les déposer où on veut, mais il faut en prendre soin comme une œuvre d’art textile », précise l’artiste rencontrée à La petite Place des arts de Saint-Mathieu-du-Parc où elle expose 17 de ses pièces jusqu’au 20 décembre prochain.
Le titre de l’exposition, De l’étonnement patient au souffle de l’évocation, décrit bien la démarche artistique de Brigitte Gagnon. « Quand je commence une pièce, je n’ai aucun plan et je ne sais jamais quel sera le résultat final. Je travaille avec les retailles que j’ai sous la main. Ça te donne des contraintes, mais de belles contraintes. Ça te fait dépasser ton travail et ça t’amène ailleurs. Chaque pièce est une aventure », explique l’artiste en parlant des courtepointes qu’on dit improvisées en raison justement de la liberté qui entoure le processus créatif.
Quand elle s’est mise à la fabrication de courtepointes en 2006 à Québec où elle habitait, Brigitte Gagnon s’est naturellement tournée vers le style classique avec ses blocs géométriques répétitifs. « Il y a toute une série de règles qui entoure la courtepointe traditionnelle. Quand j’ai débuté, j’avais besoin de cette structure-là, de cette rigueur-là. »
C’est à son arrivée à Shawinigan il y a huit ans que l’artiste commence à s’aventurer dans le style improvisé qui est un courant très fort chez nos voisins américains. « Il y a beaucoup de femmes, surtout des Afro-Américaines, qui ont travaillé dans l’expression, d’essayer de briser les normes. Et puis il y a eu un embrasement, un gros courant de l’improvisation est né aux États-Unis et qui s’est propagé à travers des associations », poursuit celle qui s’est beaucoup documentée avant de se lancer dans ce mouvement.
De l’improvisation à la narration
À La petite Place des arts, on découvre les œuvres de Brigitte Gagnon comme si on parcourait un sentier en forêt puisque les courtepointes suspendues, avec leur dessus et leur dessous, méritent d’être vu des deux côtés. « Pour moi, l’arrière est aussi important que le devant. Une courtepointe, c’est trois épaisseurs. Tu as le devant, le derrière et le molleton à l’intérieur, puis le piquage qui tient le tout et vient ajouter une couche de plus à la créativité. Il vient donner une dimension à l’œuvre. »
C’est la deuxième fois que l’artiste expose ses œuvres à Saint-Mathieu-du-Parc. En 2022, son exposition avait suscité énormément d’admiration des visiteurs, d’où cette invitation à revenir à La petite Place des arts. L’occasion était belle pour Brigitte Gagnon pour apporter quelques courtepointes dites narratives, un style dans lequel elle s’est aventurée cette année une première fois.
« La courtepointe improvisée, c’est comme une peinture abstraite tandis que la courtepointe narrative, elle est là pour exprimer un propos à une personne. Elle est moins abstraite que l’improvisation », explique la courtepointière qui a notamment créé une œuvre narrative – Résilience – consacrée à son père, vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, et une autre – En découdre avec la vie – à une jeune femme décédée d’un cancer.
« Ce sont des courtepointes qui aident à se souvenir ou à prendre position. Quand Obama a fait son investiture avant de devenir président des États-Unis, plusieurs artistes américains ont confectionné des courtepointes pour raconter son histoire. Il y a même des livres là-dessus », poursuit Brigitte Gagnon qui a œuvré professionnellement dans le monde des communications, à mille lieues du milieu des arts même si elle a toujours eu une fibre artistique depuis son tout jeune âge.
De l’étonnement patient au souffle de l’évocation est assurément une exposition à voir et Brigitte Gagnon, une artiste à découvrir.