Pénurie de pharmaciens en établissement de santé: la qualité des soins aux patients affectée
SANTÉ. La pénurie de pharmaciens dans les hôpitaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec affecte la qualité des soins dispensés à la population.
Près de deux ans après la fin de son contrat de travail avec le gouvernement du Québec, l’Association des pharmaciens en établissement de santé (APES) vient de publier les résultats d’une étude menée dans les centres hospitaliers de la région.
Celle-ci révèle notamment que 80% des besoins en pharmaciens pour prodiguer des soins pharmaceutiques dans les urgences ne sont pas comblés. Cette proportion tombe à 59% pour les patients recevant une dialyse rénale et de 49% dans les unités de soins intensifs et coronariens.
« Nous avons un enjeu de main-d’œuvre qui date de presque 20 ans, mais ça s’aggrave continuellement parce qu’on doit faire compétition avec nos collègues du secteur privé qui viennent recruter les jeunes très tôt sur les bancs d’école parce qu’ils ont des besoins importants de main-d’œuvre aussi », explique Nathalie Vaillant, directrice générale de l’APES et elle-même pharmacienne.
Contrairement aux pharmaciens œuvrant au privé, leurs confrères travaillant dans les hôpitaux doivent suivre un programme de maîtrise nécessitant deux années d’études supplémentaires. « C’est un programme qui permet d’être formé spécifiquement pour les médicaments qui sont utilisés à l’hôpital parce que ce ne sont pas les mêmes situations qu’on va retrouver dans la communauté », poursuit Mme Vaillant.
Actuellement, on compte au Québec environ 10 000 pharmaciens dont 2000 œuvrent en milieu hospitalier. Trop peu pour répondre aux besoins estime l’APES. « Les hôpitaux n’ont pas tendance à augmenter leur nombre de postes parce qu’ils en ont déjà un certain nombre qui sont vacants. Il y a des secteurs spécifiques dans les hôpitaux où les pharmaciens sont utiles et requis même par des guides de pratique du ministère de la Santé et ils ne sont pas du tout présents », dénonce-t-elle.
Dans ces situations où un pharmacien ne peut être présent, c’est le médecin lui-même qui devra déterminer si l’enjeu lié à un patient est lié ou non à un médicament ou bien de s’assurer de lui donner la bonne dose et le bon médicament. « Donc, on peut imaginer qu’il y a peut être davantage d’erreurs qui peuvent se produire, des effets indésirables qui ne sont pas captés ou même que le problème n’a pas vraiment été bien identifié et que le patient devra revenir à l’urgence. »
Attirer des élèves
Pour Nathalie Vaillant, le remède à la situation est dans le recrutement d’élèves. « Premièrement, il faut faire connaître la profession. On devrait entendre de la part du ministre de la Santé qu’il y a besoin de pharmaciens dans le réseau. Déjà, ça valoriserait la pratique. Ensuite, il faut investir dans le recrutement. Il faut être capable d’attirer ces jeunes-là puis de les amener vers un programme de maîtrise. »
Offert à l’Université de Montréal et l’Université Laval, le programme de maîtrise en pharmacie compte au total 120 places. « Cette année, on est autour de 88 ou 89. On ne remplit jamais nos places. Et même si on les remplissait, on n’en graduerait pas suffisamment pour répondre aux besoins. »
La directrice générale de l’APES estime que le gouvernement devrait travailler avec les facultés de pharmacie pour assouplir le programme, en le rendant notamment disponible un peu plus à distance. « Il y a des modules de cours qui pourraient peut-être être donnés virtuellement. En ce moment, les gens doivent aller à Québec ou à Montréal pour se faire former, ce qui ne fonctionne pas pour la vie de tout le monde. »
L’entente entre l’APES et le gouvernement est échue depuis le 31 mars 2023 et depuis un an, c’est silence radio déplore Nathalie Vaillant. « Notre dépôt de demandes est fait depuis un an. Du côté du ministère, on nous dit qu’il y a d’autres dossiers, que ce n’est pas une priorité pour le moment. Nous, on considère que c’est assez prioritaire parce que ce sont des soins et des services à des patients qui ne sont pas donnés présentement », conclut-elle.