Boulet et le droit de grève: «vous vous aventurez sur un terrain glissant» dit la CSN
MONTRÉAL — La présidente de la CSN, Caroline Senneville, avertit le ministre du Travail, Jean Boulet, qu’il s’aventure sur «un terrain glissant» s’il veut amoindrir la portée du droit de grève en se dotant d’un article de loi semblable à celui qui a été invoqué par son homologue fédéral pour mettre fin à des conflits de travail.
Au cours de sa conférence de presse de début d’année, lundi à Montréal, la présidente de la Confédération des syndicats nationaux a déploré le fait que le ministre du Travail ait ainsi «réfléchi à voix haute» lors d’une entrevue à Radio-Canada, juste avant Noël.
En fait, le ministre Boulet a évoqué la possibilité de modifier le Code du travail du Québec pour y inclure un article semblable à celui qui existe dans le Code du travail du Canada et qui a permis au ministre fédéral, Steven MacKinnon, d’intervenir dans le conflit du rail.
Cet article a également été invoqué dans les conflits des ports, mais, dans le cas des 1200 débardeurs du port de Montréal, les parties ont finalement entrepris une ultime médiation, en novembre, avant d’en venir à l’arbitrage exécutoire.
«On va se parler entre syndicats et on va parler au ministre. C’est déjà commencé; j’ai déjà eu une première conversation avec le ministre pour lui dire ‘vous vous aventurez sur un terrain glissant, parce que c’est contesté’. Alors, vous pourriez faire une loi qui serait déclarée inconstitutionnelle. Alors attention, prudence!» a lancé Mme Senneville.
L’arrêt Saskatchewan, prononcé par la Cour suprême du Canada en janvier 2015, a statué que le droit de grève bénéficie d’une protection constitutionnelle, parce qu’il sert à rééquilibrer le rapport de forces entre les parties.
D’ailleurs, le syndicat des Teamsters, affilié à la FTQ, qui a été visé par les interventions du ministre fédéral du Travail dans les conflits dans le rail, au CN et au CPKC, conteste cette intervention devant le tribunal. La cause n’a pas encore été entendue.
«La grève au Canada, elle est encadrée; c’est l’État de droit», a lancé Mme Senneville.
«On ne lésinera pas sur les moyens d’action pour faire respecter le droit de grève qu’on a», s’est exclamée la dirigeante syndicale.
Scabs et sanctions
La présidente de la CSN a aussi déploré ce qu’elle a qualifié de «ressac antisyndical» par le biais d’emploi de travailleurs de remplacement, lors de grèves ou de lock-out.
On a eu «beaucoup de briseurs de grève» lors de conflits de travail, argue-t-elle, alors que cela est interdit par le Code du travail.
Elle demande donc au ministre du Travail de prévoir des sanctions plus sévères contre les employeurs qui ont recours à ces travailleurs de remplacement, parce qu’à l’heure actuelle, quand ils le font et que le syndicat se plaint au Tribunal administratif du travail, «il n’y a jamais de conséquences», même si le syndicat y a gain de cause.