Carney veut l’autorisation d’ici l’été d’outrepasser des lois pour ses grands projets

OTTAWA — Le gouvernement de Mark Carney veut que la Chambre des communes autorise d’ici la fin de la semaine prochaine le conseil des ministres à pouvoir outrepasser une série de lois et de règlements – principalement en matière d’environnement – afin d’être en mesure de donner le feu vert à de grands projets nationaux, dont des oléoducs.

Une motion qu’il a déposée propose que le projet de loi C-5 soit adopté sous bâillon par les Communes, soit sans véritable étude en comité parlementaire et en raccourcissant énormément les débats.

Les bloquistes et les néo-démocrates ont déchiré leurs chemises, jeudi, face à une telle éventualité, ce qui permet de présumer que les libéraux, qui sont minoritaires, ont l’appui des conservateurs.

Interrogé à ce sujet lors d’une mêlée de presse, le leader adjoint de l’opposition officielle à la Chambre des communes, Luc Berthold, n’a pas clairement indiqué si son parti appuierait cette motion.

«Il y a des discussions présentement en cours entre les différents partis concernant le projet de loi C-5. Vous allez avoir l’occasion de voir au cours des prochaines heures le fruit de ces négociations», a-t-il mentionné, tout en rappelant qu’il s’agit d’un gouvernement minoritaire.

De son côté, le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique (NPD), Alexandre Boulerice, visiblement sonné, a déclaré avoir «rarement vu quelque chose d’aussi intense et d’aussi brutal».

Selon lui, les libéraux tentent carrément un «coup de force» qui pourrait bien avoir pour résultat que le «rêve de (l’ancien premier ministre) Stephen Harper et de Pierre Poilievre» se réalise.

M. Boulerice a expliqué que cela prend habituellement des semaines pour entendre des experts et améliorer un projet de loi. «Là, c’est: “voilà, merci, bonsoir, c’est terminé”. C’est un mépris du travail parlementaire des libéraux de Mark Carney», a-t-il dit.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a également dénoncé la méthode «aussi cavalière» employée pour contourner les règles parlementaires. «L’histoire n’a pas créé les comités parlementaires pour en faire des parures», a-t-il envoyé.

Lors de la période des questions, sa leader parlementaire, Christine Normandin, a accusé les libéraux de vouloir «gouverner par décret comme Donald Trump» à travers ce projet de loi qui «vide complètement de leur sens» les évaluations environnementales et qui menace les compétences du Québec.

Le leader du gouvernement à la Chambre, Steven MacKinnon, lui a répondu que les Québécois ont élu pas moins de 44 députés libéraux il y a seulement quelques semaines, soit le plus grand nombre «depuis 1980».

«Ils se sont tous présentés sous une plateforme libérale qui, à la première page, a parlé de la nécessité d’agir rapidement pour accélérer la croissance de notre pays, faire baisser les barrières entre les provinces et créer une seule économie canadienne, a-t-il dit. Nous agissons de façon démocratique.»

En présentant son projet de loi, le premier ministre Carney a assuré qu’il n’autoriserait pas la construction d’un oléoduc si une province sur le chemin s’y oppose.

Or, ce n’est pas une obligation en vertu du projet de loi, et rien n’empêcherait un futur gouvernement de passer outre la volonté d’une province. Le chef conservateur a d’ailleurs déclaré plus tôt cette semaine qu’un pipeline devrait être construit de l’Alberta vers la côte pacifique, que la Colombie-Britannique en veuille ou pas.

Le projet de loi C-5 vise également à éliminer les barrières fédérales au commerce intérieur et à faciliter l’accès des travailleurs à des emplois dans d’autres provinces.

Steven MacKinnon a rejeté cette semaine l’appel du Bloc québécois visant à scinder ce projet de loi historique en deux, afin que la Chambre puisse accélérer l’adoption des dispositions plutôt consensuelles sur le commerce intérieur tout en examinant de près la partie controversée sur les grands projets.