Des organismes communautaires de Montréal dénoncent la fermeture du chemin Roxham

MONTRÉAL — Le réseau de justice migrante Solidarité sans frontières a dénoncé mercredi la récente fermeture du chemin Roxham et a appelé à une «ouverture de la frontière» et une «régularisation complète et continue du statut de toutes les personnes migrantes».

Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés à Montréal mercredi matin devant le bureau de circonscription du premier ministre canadien, Justin Trudeau, pour faire pression sur le gouvernement fédéral et s’opposer à la décision annoncée vendredi dernier de fermer le point d’entrée irrégulier.

Selon l’organisme, ce changement mettrait «en danger» la vie de milliers de familles et d’individus, ne leur laissant d’autre option que d’emprunter des itinéraires plus risqués.

«Nous demandons au premier ministre [Justin] Trudeau de mettre fin à l’Entente des tiers pays sûrs, de veiller à ce que les migrants puissent traverser en toute sécurité la frontière canado-américaine et de mettre fin à la précarité et à l’exploitation des migrants au Canada en octroyant un statut de résident permanent pour tous et toutes», a déclaré devant la foule Samira Jasmin, porte-parole de Solidarité sans frontières.

Plusieurs organismes et collectifs étaient aussi présents au rassemblement pour s’opposer à la nouvelle politique selon laquelle les migrants interceptés au Canada dans les 14 jours après avoir franchi la frontière soient refoulés vers les États-Unis et vice-versa. Cette mesure contraindrait ces personnes à se «cacher» des autorités canadiennes pendant deux semaines afin de pouvoir demander le statut de réfugiées sans être déportées, et constituerait «une violation directe de l’engagement du Canada d’accorder l’asile aux personnes persécutées», a indiqué Solidarité sans frontières dans un récent communiqué.

«J’aurais espéré qu’en 2023, on célèbre un programme de régularisation inclusif, qu’on parle d’abolir les détentions injustifiées des migrants, de mettre fin aux déportations inhumaines et illégitimes, et qu’on parle de couverture universelle des soins de santé et des services sociaux», a souligné la porte-parole du collectif Soignons la justice sociale, Rachel Heap-Lalonde.

Une décision «sans préavis»

Scandant des slogans solidaires aux personnes migrantes et réfugiées, les manifestants ont aussi dénoncé l’entente annoncée «sans préavis» par les gouvernements canadien et américain à l’issue de la visite de Joe Biden à Ottawa, le 23 et 24 mars.

«Bien que les gouvernements Trudeau et Biden se soient entendus il y a plus d’un an, ils ont choisi d’annoncer la nouvelle entente que quelques heures avant la fermeture. Le gouvernement Trudeau n’a pas encore rendu les nouvelles règles publiques, créant un contexte encore plus violent et dangereux pour les personnes empruntant le chemin Roxham», indiquait le même communiqué de Solidarité sans frontières.

Un document disponible sur le site du gouvernement américain indique que l’entente a été signée en mars 2022 par le Canada, et en avril de la même année par les États-Unis.

«Le droit d’asile, ce n’est pas de la charité qu’on accorde selon notre bon vouloir, mais c’est une obligation. (…) [Justin] Trudeau refoule quelques milliers de demandeurs d’asile dont les droits sont protégés par des traités et des conventions internationales», a déclaré Amel Zaazaa, conseillère responsable du dossier des personnes sans statut et à statut précaire au Bureau d’intégration des nouveaux arrivants à Montréal (BINAM) de la Ville de Montréal. La Ville a toutefois précisé, dans une déclaration écrite transmise jeudi, que Mme Zaazaa s’exprimait à titre personnel.

La militante a aussi revendiqué l’abolition immédiate des permis temporaires fermés et la régularisation définitive de tous les travailleurs temporaires afin que ceux-ci puissent «jouir des mêmes droits humains que leurs semblables canadiens».

Point d’entrée névralgique pour quelque 40 000 demandeurs d’asile en 2022, le chemin a été fermé à la suite d’un accord entre Ottawa et Washington concernant la modernisation de l’Entente sur les tiers pays sûrs. Signée en 2004, cette entente permettait à une personne de demander l’asile au Canada ou aux États-Unis dans le premier des deux pays où elle met le pied, et s’appliquait uniquement aux postes frontaliers et aux arrivées par train.

Son entrée en vigueur dans la nuit de vendredi à samedi derniers sur l’ensemble de la frontière terrestre oblige désormais les autorités à refouler les migrants qui passent par des points irréguliers, comme le chemin Roxham.

Le Canada s’est engagé à accueillir 15 000 demandeurs d’asile de plus pour pallier la fermeture du passage.

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.