Fiasco SAAQclic: la commission Gallant prolongée jusqu’au 15 décembre

QUÉBEC — Le gouvernement Legault a annoncé jeudi qu’il acceptait de prolonger la commission Gallant chargée d’enquêter sur le fiasco SAAQclic jusqu’au 15 décembre 2025.
Le commissaire Denis Gallant devait à l’origine remettre son rapport final au plus tard le 30 septembre.
Visiblement, il a besoin de plus de temps pour accomplir son mandat; les témoignages se succèdent depuis six semaines mais sont loin d’être terminés.
La commission a entendu plusieurs anciens membres du conseil d’administration de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), des ex-vérificateurs internes et un ex-vice-président des finances.
Elle ne s’est pas encore rendue ni aux présidents-directeurs généraux, ni au chargé de projet qui était au cœur du virage numérique, Karl Malenfant, ni aux ministres du gouvernement Legault.
Rappelons que le virage numérique raté de la SAAQ devrait coûter aux contribuables au moins 1,1 milliard $ d’ici 2027, soit 500 millions $ de plus que prévu, selon les calculs du Vérificateur général du Québec (VGQ).
«Le gouvernement (…) accorde une prolongation au 15 décembre 2025 pour le dépôt du rapport», a indiqué par communiqué jeudi le cabinet du ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette.
Les audiences, qui étaient censées se terminer le 20 juin, reprendront donc à la fin août, à Montréal.
La SAAQ a caché des coûts
Jeudi, l’ex-vice-président aux finances de la SAAQ, Yves Frenette — qui témoignait pour une troisième journée consécutive — a reconnu du bout des lèvres que la société d’État a caché des coûts en 2022.
En juin 2022, M. Frenette est invité à prendre connaissance d’un «napperon» destiné aux ministres Éric Caire et François Bonnardel, dans lequel on indique que le coût du projet numérique est de 682 millions $.
Or, il est plutôt de 945 millions $, a reconnu jeudi M. Frenette, disant ne pas avoir été surpris de voir ce chiffre dans le rapport du VGQ qui a mis le feu aux poudres en février dernier.
C’est qu’on inclut dans le montant qu’on veut présenter au politique le coût de «réalisation», mais pas la «récurrence», qui avait pourtant fait partie du calcul à la base.
L’avocate de la commission, Marie-Claude Sarrazin, a alors suggéré à M. Frenette qu’on avait arrêté de comparer «des pommes avec des pommes», et qu’on comparait plutôt «une pomme avec une demi-pomme».
Yves Frenette n’a pu qu’acquiescer. Aucun autre détail sur les échanges avec les ministres n’a filtré jusqu’à maintenant.
Une prolongation qui «fait l’affaire du gouvernement», selon l’opposition
L’opposition officielle à l’Assemblée nationale dit comprendre que l’on doive prolonger les travaux de la commission.
«Vu l’ampleur du scandale, la masse d’informations et le nombre de témoignages, je comprends», a déclaré à La Presse Canadienne le leader parlementaire du Parti libéral du Québec (PLQ), Monsef Derraji.
Toutefois, il déplore que le rapport ne sera remis qu’après la fin de la session parlementaire d’automne, alors que les députés seront de retour dans leurs comtés pour le congé des Fêtes.
«Aucun débat à l’Assemblée ni de reddition de comptes devant les élus: disons-le franchement, ça fait drôlement l’affaire du gouvernement caquiste», a soutenu M. Derraji.
Le Parti québécois (PQ) est précisément du même avis. Son député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, déplore que la prolongation accordée soit de 11 semaines.
«Le premier ministre François Legault, qui voulait faire vite, semble aujourd’hui beaucoup moins pressé d’obtenir les conclusions de l’enquête», a-t-il observé dans un message transmis à l’agence de presse.
Il souligne que les témoignages ont été, jusqu’à présent, «accablants», les révélations «troublantes» et empreintes de «soupçons de corruption».
«Comme par hasard, la commission Gallant déposera son rapport après la fin de la session parlementaire de l’automne 2025», a poursuivi M. Arseneau.
«On a un peu l’impression que le gouvernement a profité de l’occasion pour reporter le dépôt du rapport après la fin de la session pour éviter de rendre des comptes avant la fin de l’année 2025», a-t-il ajouté.
Preuve «extrêmement dense»
Jeudi, la porte-parole de la commission, Joanne Marceau, a assuré que c’est bel et bien la commission qui a demandé une prolongation de deux mois et demi.
En entretien téléphonique, elle a indiqué que les enquêteurs avaient reçu 100 000 documents, puis rencontré 160 témoins, dont 42 ont été interrogés devant le commissaire.
«Notre preuve est extrêmement dense. (…) Aucun témoin n’est inutile», a-t-elle dit.
Pour sa part, Québec solidaire (QS) a fait savoir jeudi qu’il réservait ses commentaires.