Incendies de forêt: 10 fois plus d’hectares brûlés que la moyenne sur 10 ans

OTTAWA — La superficie ravagée cette année par les incendies de forêt au pays est plus de 10 fois supérieure à la moyenne d’hectares brûlés par décennie et le Québec est la province la plus touchée.

«La situation est critique (…) et au Québec (elle) est particulièrement rare et grave», a dit jeudi le ministre fédéral de la Santé et député québécois Jean-Yves Duclos.

Il a relevé que la province n’a pas l’habitude, historiquement, d’être au cœur de la saison des incendies de forêt.

M. Duclos a souligné qu’Ottawa a fourni du soutien pour répondre à l’urgence de la situation, assurant que le fédéral sera aussi présent à plus long terme.

«Il va y avoir un besoin de reconstruction et d’appui plus continu et plus soutenu. (…) C’est sur cette base qu’on va travailler avec le gouvernement du Québec et les municipalités concernées», a-t-il soutenu.

Son collègue Bill Blair, responsable de la Sécurité civile, a affirmé que les prévisions météorologiques permettent d’être optimiste pour la suite des choses. Il a salué le travail des autorités québécoises pour contenir les dégâts.

Environnement Canada prévoit en effet un front froid d’ici samedi, ce qui devrait ramener les températures plus près des normales saisonnières.

Aucune autre vague de chaleur n’est prévue au cours de la prochaine semaine, a indiqué le météorologue Jean-Philippe Bégin, mais le facteur humidex devrait contribuer à maintenir le mercure assez haut.

Le nord et l’ouest du Québec devraient recevoir une «quantité appréciable de pluie», a-t-il ajouté, notamment dans les secteurs où sévissent des incendies. «Toute pluie est bienvenue. Par endroits, on pourrait dépasser la quarantaine, voire la cinquantaine de millimètres, a-t-il indiqué. Ces pluies seront localisées par endroits en raison du caractère orageux du front froid.»

Record absolu

Le ministère des Ressources naturelles a indiqué que 8,8 millions d’hectares cumulatifs ont été brûlés en 2023 au Canada, en date du 27 juin dernier, alors que la moyenne décennale est de 805 196 hectares.

Cette superficie touchéepar les flammes bat le record précédent de 1989. Cette année-là, 7,6 millions d’hectares avaient été brûlés.

Le Québec est la province la plus affectée par les incendies à l’heure actuelle, a fait savoir Yan Boulanger, chercheur en écologie forestière chez Ressources naturelles Canada. «Environ 1,5 million d’hectares ont brûlé dans la zone de protection intensive, ce qui correspond grosso modo à la forêt commerciale au Québec, a-t-il illustré dans le cadre d’un état de situation. Il y a aussi un autre deux millions d’hectares qui brûlent présentement dans la zone nordique, notamment à la Baie James.»

Michael Norton, directeur général à Ressources naturelles Canada, a souligné qu’il reste plusieurs mois à la saison sans précédent d’incendies de forêt. «Les dernières projections indiquent que l’activité des feux pourrait rester supérieure à la normale en juillet et en août dans une grande partie du pays, de la Colombie-Britannique au Québec», a-t-il prévenu.

Le nombre réel d’hectares brûlés ne sera connu qu’après coup et les chiffres dévoilés sont des estimations, a-t-il précisé. «Il ne fait aucun doute que nous avons dépassé le record précédent», a dit M. Norton.

Quant au nombre de feux s’étant déclarés cette année (3412), il dépasse aussi la moyenne sur 10 ans (2751).

«Le fait qu’un si grand nombre de feux se soient propagés à travers le Canada et qu’ils aient continué à brûler pendant si longtemps, en plus des nombreux feux qui se sont déclarés par la suite, est sans précédent dans les annales et explique en partie pourquoi cette année a été difficile», a résumé M. Norton.

Entente avec le Portugal

Par ailleurs, Ressources naturelles Canada et l’Agence de gestion intégrée des feux en milieu rural du Portugal ont signé jeudi un protocole d’entente pour mieux définir les procédures pour l’échange de ressources humaines et matérielles, de même que des connaissances, pour combattre les incendies.

Le Portugal a déjà dépêché 140 pompiers au pays pour soutenir le Canada dans sa lutte aux incendies de forêt, cette année.

Ce partenariat est le septième auquel le Canada a souscrit avec un autre pays dans son combat contre les incendies de forêt. Des protocoles ont récemment été signés avec les États-Unis, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Costa Rica, l’Australie et l’Afrique du Sud.

Le 27 juin dernier, le gouvernement fédéral a lancé sa Stratégie nationale d’adaptation dont les objectifs sont entre autres de réduire le risque de catastrophes naturelles liées au climat, à protéger la biodiversité canadienne, à construire et entretenir des infrastructures résilientes face aux changements climatiques et à soutenir l’économie.

La situation au Québec

Il y avait jeudi matin 142 incendies de forêt en activité au Québec, dont 74 en zone nordique. 

De ce total, cinq étaient considérés non maîtrisés, selon la Société de protection des forêts contre le feu (SOPFEU). Un plus grand nombre pourraient le devenir compte tenu de l’augmentation des indices d’intensité de certains feux qui sont considérés contenus.

Des efforts particuliers d’extinction des feux étaient notamment concentrés dans le Nord-Ouest québécois dans les régions de Lebel-sur-Quévillon, Senneterre, Normétal, Chibougamau, Mistissini, Louvicourt et Lac Simon de même que d’Obedjiwan.

Jeudi matin, Environnement Canada a émis un avertissement de chaleur extrême couvrant tout le sud-ouest de la province. En incluant le facteur humidex, la température pourrait frôler les 40 degrés Celsius au courant de la journée. Cette humidité devrait perdurer jusqu’à vendredi, où la température ressentie se situera entre 35 et 38 degrés.

Plus au Nord, une veille d’orages violents a été décrétée. Cela pourrait entraîner le déclenchement de nouveaux incendies ou en raviver certains qui étaient maîtrisés.

Le nord-ouest de la province, où sévissent encore plusieurs incendies de forêt, est frappé d’une alerte de smog.

Une interdiction d’accès en forêt sur les terres du domaine de l’État et la fermeture des chemins forestiers était toujours en vigueur jeudi dans certains secteurs situés dans les régions du Nord-du-Québec, de l’Abitibi-Témiscamingue, de la Haute-Mauricie, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord.

Dans le nord-ouest du Québec, une interdiction de faire des feux à ciel ouvert en forêt ou à proximité restait en vigueur et des restrictions de travaux en forêt étaient encore appliquées.

La SOPFEU signalait que mercredi, 1343 pompiers forestiers, combattants auxiliaires et plus de 200 militaires étaient à l’œuvre sur les différents sites de feux, en plus de 122 employés réguliers de la SOPFEU implantés dans différentes bases d’opérations et au siège social.

Des pompiers provenant du Nouveau-Brunswick, du Yukon, des États-Unis, de France et de Corée du Sud participaient aussi aux opérations.