L’Arche Canada assure qu’elle a apporté des changements depuis les allégations

MONTRÉAL — L’organisme de bienfaisance L’Arche Canada affirme qu’il a apporté des changements pour protéger le personnel, les bénévoles et les participants depuis que des allégations d’agressions sexuelles visant le fondateur Jean Vanier ont été révélées pour la première fois en 2020.

Le bureau international de cet organisme qui aide les personnes ayant une déficience intellectuelle a publié lundi un rapport d’enquête qui a recensé au moins 25 femmes agressées sexuellement par Jean Vanier entre 1952 et 2019, notamment au Canada et en Inde. Toutes ces relations «s’inscrivent dans un continuum de confusion, d’emprise et d’abus», lit-on dans le rapport.

Un précédent rapport, publié en février 2020, concluait que Jean Vanier avait eu des relations sexuelles manipulatrices avec au moins six femmes entre 1975 et 1990, en France.

Lori Vaanholt, vice-directrice nationale de L’Arche Canada, affirme que les 37 succursales de l’organisme de bienfaisance dans le monde ont fait l’objet d’une vérification depuis 2020 pour s’assurer que le personnel, les bénévoles et les personnes qui ont une déficience intellectuelle sont protégés contre les agressions. Mme Vaanholt a soutenu qu’un deuxième audit était en cours cette année.

«Quand j’ai entendu l’information pour la première fois, l’une des premières choses que j’essayais de comprendre était de savoir comment cela avait pu arriver au sein de cette organisation et que nous ne le savions pas et que, même, nous avions laissé tomber les femmes qui étaient abusées, souligne Mme Vaanholt en entrevue lundi. Nous ne l’avons pas vu, nous ne l’avons pas arrêté, c’est arrivé et nous en sommes profondément, profondément désolés.»

Elle ajoute que l’organisation avait cherché de manière proactive à découvrir ce qui s’était passé et comment elle pourrait améliorer ses structures et ses pratiques.

Parmi les mesures qui ont été prises depuis 2020 figuraient des audits des 157 communautés de L’Arche dans 37 pays — où des personnes handicapées intellectuelles vivent et travaillent aux côtés de personnes sans déficience — pour évaluer les pratiques en place pour prévenir les abus. Un autre audit sera effectué cette année, puisqu’il est prévu d’en tenir tous les trois ans.

«C’est une partie importante de notre croissance en tant qu’organisation ; c’est continu et en évolution et nous nous y engageons», précise-t-elle.

L’organisation internationale et la branche canadienne de L’Arche ont pris des mesures pour améliorer les procédures de dénonciation et de signalement, dit-elle.

Bien que le rapport n’ait pas trouvé de preuves que Jean Vanier a abusé de personnes ayant une déficience intellectuelle, Mme Vaanholt avance que l’éducation à la violence est désormais obligatoire pour les personnes handicapées afin de leur donner «la langue… la compréhension qu’elles ont le choix, l’autonomie et les droits sur la façon dont ils sont traités».

Cependant, elle admet qu’il est difficile de concilier le bon travail accompli par l’organisation avec la désintégration de son mythe fondateur. Jean Vanier avait déclaré qu’une «révélation» lors d’une visite dans un établissement psychiatrique l’avait amené à fonder l’organisme alors qu’en fait, le nouveau rapport conclut qu’il a utilisé ses actions de charité comme paravent pour ses abus sexuels.

«La vraie mission de L’Arche, qui est quand les gens se rassemblent, à travers la différence, dans des relations d’amitié, où chaque personne est valorisée et chaque personne est capable d’être égale dans ces relations — c’est réel, et littéralement des centaines et des milliers de gens à travers le monde en ont fait l’expérience», rapporte-t-elle.

L’Arche continue d’exploiter 28 communautés à travers le Canada et a deux «projets» — des communautés potentielles qui sont en cours d’évaluation.

Madeline Burghardt, qui enseigne les études sur le handicap à l’Université Western à London, en Ontario, et à l’Université York, dit que l’histoire de la fondation et la décision subséquente de Jean Vanier d’inviter deux hommes ayant une déficience intellectuelle à vivre avec lui ont joué un grand rôle à L’Arche, en particulier dans les premières décennies de l’organisation.

«Jean était important. Ses enseignements étaient importants. Ses écrits étaient importants», souligne Mme Burghardt, qui a vécu dans une communauté de L’Arche à Toronto pendant deux ans au milieu des années 1990 et a occupé plusieurs postes au sein de l’organisation au cours de la décennie suivante. «Quand il venait visiter les communautés, c’était très important… et pourtant cette histoire fondatrice que nous pensions connaître est différente de ce que nous imaginions, et c’est une histoire terrible.»

Mme Burghardt, qui n’a pas travaillé pour L’Arche depuis 2008, affirme que le rapport de lundi montre que l’organisation doit examiner les pratiques qui remontent à ses débuts, y compris ses lignes d’autorité et la confiance dans sa hiérarchie.

À certains moments, souligne-t-elle, des personnes au sein de l’organisation ont parlé d’être «appelées» à des postes — en utilisant un terme religieux qui peut amener les gens à cesser de penser de manière critique.

Alors que l’organisation a supprimé les références à Jean Vanier, de son site Web aux étagères de sa bibliothèque, elle ajoute «qu’il y a cette deuxième couche où se trouvent les empreintes de son modèle d’autorité qui persistent, que nous devons vraiment aborder de manière plus profonde, et que le rapport a rendu cela douloureusement évident.»

Ce ne sont pas seulement les personnes impliquées dans L’Arche qui sont touchées, ajoute-t-elle. Au moins 10 écoles du Yukon, de l’Alberta, de l’Ontario et de la Saskatchewan qui portaient le nom de Jean Vanier ont été rebaptisées depuis 2020.