L’auteur de l’attentat de Toronto est condamné à au moins 25 ans de prison

TORONTO — L’homme responsable de l’attentat à la camionnette bélier à Toronto en 2018 a été condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Alek Minassian a également été condamné à 20 ans de prison pour les 15 chefs de tentative de meurtre, qui doivent être purgés simultanément.

La juge Anne Molloy, qui a présidé le procès, a déclaré que la récente décision de la Cour suprême dans l’affaire de l’attentat à la mosquée de Québec empêchait les peines de prison consécutives, mais elle a assuré que les déclarations des victimes et des proches rendues plus tôt lundi avaient toujours leur importance.

«Chacune de ces vies était précieuse, a déclaré la juge Molloy, la gorge nouée, alors qu’elle prononçait la peine. Ce que vous avez exprimé (lundi) compte, ça compte, ça compte pour moi et ça comptera pour d’autres personnes qui devront prendre des décisions à l’avenir.»

Huit femmes et deux hommes sont morts le 23 avril 2018, lorsqu’un homme de 25 ans, qui se sentait sexuellement rejeté par les femmes et qui s’était radicalisé dans les bas-fonds d’internet, a délibérément conduit une camionnette de location sur un trottoir achalandé de la métropole, en début d’après-midi. Une autre femme est décédée plus de trois ans après, des suites de blessures subies ce jour-là. 

À l’issue d’un procès devant juge seule, Minassian avait été reconnu coupable l’an dernier de 10 chefs de meurtre au premier degré et de 16 chefs de tentative de meurtre. Un meurtre au premier degré entraîne automatiquement une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

Avant de prononcer la peine, lundi, la juge Anne Moloy avait entendu des dizaines de déclarations de survivants, de membres des familles des victimes et de citoyens touchés par cette tragédie.

Le tribunal a notamment pu voir un dessin, soumis par Diyon, un garçon de neuf ans qui a perdu sa mère, Renuka Amarasinghe, ce jour-là. Le croquis au crayon de couleur sur papier ligné d’un soleil brillant au-dessus du garçon et de sa mère a ému aux larmes dans la salle d’audience. «C’est adorable», a déclaré la juge Molloy, en essuyant quelques larmes.

Haneen Najjar, qui a perdu son père dans l’attentat, a raconté qu’elle avait immigré au Canada en 2017 avec son frère, laissant derrière ses parents en Jordanie. Elle craignait que quelque chose ne leur arrive alors qu’ils étaient si loin. «Je n’aurais jamais cru que cette peur se matérialiserait ici à Toronto, à des milliers de kilomètres de chez eux et d’une manière aussi horrible et dévastatrice», a-t-elle déclaré.

Son père, Munir Najjar, est mort ce jour-là à 85 ans. Il était en ville avec sa femme pour rendre visite à leurs enfants et petits-enfants, a-t-elle déclaré. Elle a raconté que son fils de 15 ans avait découvert que son grand-père était mort dans l’attentat après avoir reconnu une chaussure, une seule, dans la rue près d’un corps recouvert. «Quelqu’un peut-il seulement imaginer l’impact d’une telle catastrophe sur un enfant ?», a-t-elle dit à travers ses larmes.

Robert Forsyth a parlé au tribunal de sa tante, Betty Forsyth, qu’il a qualifiée de «bibliothèque ambulante», au courant de toutes les informations familiales. «Sa présence et de nombreuses histoires inédites sont perdues à jamais», a-t-il déclaré d’une voix chevrotante, alors qu’il regardait Alek Minassian.

Cette audience était la première occasion pour les victimes et les familles de faire face au tueur en personne, après un procès en visioconférence.

Robert Anderson a décrit une litanie de blessures débilitantes dans sa déclaration de la victime, qui a été lue par le procureur de la Couronne. Il a passé quatre semaines aux soins intensifs, a subi une hémorragie cérébrale; son foie, lacéré, a nécessité une intervention chirurgicale et une partie de la rate a dû être retirée. «Ma mémoire à court terme continue de souffrir des blessures à la tête», a-t-il dit. 

Jun Seok Park a déclaré que sa famille l’avait depuis désavouée parce qu’à cause de cette tragédie, elle et sa famille avaient perdu tout leur argent. Elle est restée dans un coma à l’hôpital pendant plus d’un mois et elle vit maintenant avec des lésions cérébrales permanentes, une perte auditive et des problèmes de vision. «À cause de cette lésion cérébrale, je m’inquiéterai tous les jours, jusqu’à ma mort, de subir une crise et un accident vasculaire cérébral.»

Trois femmes qui ont été témoins de l’attaque ont également parlé de leurs problèmes depuis ce jour. Janet Jiang a pleuré en racontant avoir effectué une procédure de réanimation cardiorespiratoire sur une femme qui avait été happée, pour ensuite la voir mourir. Mme Jiang dit qu’elle doute constamment d’elle-même depuis.

«Je repasse cette journée dans ma tête des milliers de fois, me demandant si j’aurais pu faire les choses différemment et si elle serait toujours là aujourd’hui», a-t-elle déclaré.

La voix de la juge Anne Molloy s’est cassée à plusieurs reprises alors qu’elle remerciait ceux qui avaient pris la parole. «J’admire votre courage, je suis tellement désolée que cela vous soit arrivé», a dit la juge à Mme Jiang.

Betty Forsyth, Ji Hun Kim, So He Chung, Geraldine Brady, Chul Min Kang, Anne Marie D’Amico, Munir Najjar, Dorothy Sewell, Andrea Bradden et Beutis Renuka Amarasingha et Amaresh Tesfamariam sont morts des suites de l’attaque.