Le haut-commissaire aux droits de l’homme affirme que le Canada doit s’améliorer

OTTAWA — Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme affirme que le Canada peut augmenter ses chances de se joindre au Conseil des droits de l’homme de l’ONU en assurant un meilleur suivi aux engagements qu’il prend au pays et à l’étranger.

Volker Türk était à Ottawa cette semaine pour aborder les questions relatives aux droits de la personne en général, y compris la manière dont elles sont traitées au Canada et la meilleure façon dont Ottawa peut résoudre les problèmes à l’étranger.

Sa visite intervient alors que le Canada fait campagne pour devenir membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, pour un mandat allant de 2028 à 2030. 

Cette agence entreprendra le mois prochain un examen approfondi de la situation des droits de la personne au Canada, dans le cadre d’un exercice mené dans la plupart des pays tous les quatre ans.

M. Türk a déclaré que le gouvernement canadien devrait envisager de ne pas s’appuyer sur ce seul examen ponctuel et plutôt de mener ses propres exercices annuels ou semestriels, pour faire le point sur la situation au Canada.

Ainsi, la Commission de vérité et réconciliation sur les pensionnats a présenté en juin 2015 ses 94 «appels à l’action» pour rectifier ce qu’elle a qualifié de génocide culturel en juin 2015. Mais il a fallu sept ans aux libéraux pour déposer un projet de loi visant à créer un organisme officiel chargé de suivre les progrès sur ces recommandations, et le projet de loi visant à créer un conseil national de réconciliation est toujours à l’étude au Parlement.

En entrevue cette semaine à Ottawa, M. Türk convient qu’aucun pays n’est parfait et que c’est une bonne chose que les Canadiens discutent souvent de leurs lacunes. Il a rappelé que cela s’applique en grande partie à l’approche du Canada avec les peuples autochtones.

Il a félicité Ottawa et les provinces d’avoir élaboré des plans d’action, mais il ajoute que ces plans devaient être suivis et qu’on devrait pouvoir mesurer les résultats concrets. 

«Vous êtes capables d’avoir une discussion franche sur les défis auxquels sont également confrontés les Canadiens, a-t-il dit. J’aimerais que d’autres pays s’en inspirent.»

Le logement, un droit

M. Türk a également déclaré que les Canadiens gagneraient à considérer le débat actuel sur l’accès à un logement abordable comme un enjeu de droits de la personne. Il a déclaré que de nombreux pays industrialisés ont connu une hausse du nombre de personnes en situation d’itinérance depuis la pandémie de COVID-19, aggravée par le fait que les entreprises utilisent les logements comme un produit d’investissements. 

«Il y a une forte financiarisation, ce qui fait que de nombreuses personnes gagnent beaucoup d’argent, mais au détriment de populations vulnérables, de celles qui sont les plus pauvres, de celles qui sont marginalisées.»

«Il y a une forte financiarisation, ce qui fait que de nombreuses personnes s’enrichissent, mais au détriment de populations vulnérables, de celles qui sont les plus pauvres, de celles qui sont marginalisées.»

M. Türk a souligné que le Canada est considéré dans le monde comme un leader dans la lutte contre l’inégalité entre les sexes, en soutenant les personnes LGBTQ+ et en suggérant que d’autres pays comptant des populations autochtones résistent aux erreurs et à l’oppression que le Canada a perpétrées au fil des décennies.

Pourtant, l’organisme Au-delà de nos frontières, qui milite en faveur de l’aide internationale, note que le financement du Canada pour les groupes de défense des droits de la personne à l’étranger est en baisse, dans le cadre d’une réduction plus large de l’aide au développement.

Haïti

Néanmoins, M. Türk a déclaré que le Canada constituait une force pour faire progresser les droits dans le monde. Il a souligné que le Canada avait été le premier pays à l’approcher en février après sa visite en Haïti, lui demandant comment Ottawa pouvait contribuer à mettre fin à une situation chaotique où des gangs sans foi ni loi contrôlent l’accès aux biens essentiels et perpétuent la violence sexuelle.

«La situation (en Haïti) est essentiellement anarchique, et c’est très dangereux», a-t-il déclaré, soulignant que la situation s’était encore détériorée ces derniers mois.

M. Türk a salué les mesures prises par Ottawa pour sanctionner les élites et aider Haïti à reconstruire.

Mais il a déclaré que les pays devraient s’exprimer davantage pour empêcher les armes à feu – en particulier américaines – d’atteindre les gangs criminels en Haïti, qui sont mieux équipés que la police.

«Il est essentiel que cet embargo sur les armes ne soit pas seulement décrété, mais également appliqué, a-t-il déclaré. Certaines personnes gagnent beaucoup d’argent en vendant ces armes et en trouvant le moyen de les acheminer en Haïti, malgré l’embargo.»

Conflit au Moyen-Orient

Alors qu’Israël et le Hamas sont en guerre au Proche-Orient, M. Türk a également déclaré qu’il espérait que le Canada continuerait à faire ce qu’il peut pour s’opposer à un conflit plus large dans la région.

«Nous sommes inquiets pour la Cisjordanie et nous sommes inquiets pour le Liban. Le monde ne peut pas se permettre que cette poudrière explose. C’est clair», a-t-il dit. 

Il estime que son agence doit absolument être autorisée à répondre à la «situation humanitaire extrêmement précaire» dans la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, alors que ce territoire reste fermé à ses frontières avec Israël et l’Égypte.

«Nous avons un convoi de camions de quatre kilomètres de long du côté égyptien. Et ces camions doivent entrer (à Gaza). Nous espérons qu’ils entreront bientôt.»

Israël a annoncé mercredi, après cette entrevue, qu’il autorisera l’Égypte à livrer des quantités limitées d’aide humanitaire à la bande de Gaza.