L’économiste canadien Peter Howitt fait partie des lauréats du prix Nobel d’économie
L’économiste canadien Peter Howitt, qui fait partie des trois chercheurs lauréats du prix Nobel d’économie de cette année, a raconté avoir appris l’existence de ce prix par un journaliste suédois insistant qui avait appelé sa femme tôt le matin, avant même que le comité ne puisse le joindre.
«C’est le rêve de toute une vie qui se réalise, a-t-il dit, joint tôt lundi. Nous n’avions pas de champagne au réfrigérateur en prévision de cela.»
L’Académie royale des sciences de Suède a annoncé lundi que M. Howitt, ainsi que le Néerlandais Joël Mokyr et le Français Philippe Aghion, ont reçu le prix pour «avoir expliqué la croissance économique tirée par l’innovation».
MM. Howitt et Aghion se sont appuyés sur les mathématiques pour expliquer le fonctionnement de la destruction créatrice, un concept clé en économie qui désigne le processus par lequel de nouvelles innovations bénéfiques remplacent — et donc détruisent — les technologies et les entreprises plus anciennes. Ce concept est généralement associé à l’économiste Joseph Schumpeter, qui l’a exposé dans son ouvrage «Capitalisme, socialisme et démocratie» paru en 1942.
Les deux économistes ont étudié les mécanismes d’une croissance soutenue, notamment dans un article de 1992 où ils ont construit un modèle mathématique de destruction créatrice.
M. Howitt a souligné que l’on pense souvent que la destruction créatrice est inévitable et que les nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, entraîneront certainement des pertes d’emplois.
«Le chômage de masse est toujours prédit par les nouvelles technologies, et il ne se produit généralement pas», a expliqué M. Howitt lors d’une conférence de presse lundi.
Historiquement, il a affirmé que les technologies rendent les travailleurs plus productifs, même si certains sont remplacés par les avancées technologiques en cours de route. Mais globalement, la valeur du travail tend à augmenter avec la croissance économique.
Avec l’essor des investissements dans l’IA, M. Howitt a déclaré que l’économie traverse une «période de grande transformation», et que personne ne connaît encore l’impact de la destruction créatrice dans ce paysage en mutation.
«C’est un conflit qui devra être réglementé, a-t-il dit. Les incitations privées sur un marché non réglementé ne résoudront pas réellement ce conflit de la meilleure façon pour la société.»
Le modèle de MM. Howitt et Aghion a démontré que des marchés comptant trop peu d’entreprises dominantes peuvent entraver l’innovation et la croissance — une préoccupation soulevée pour des secteurs comme les télécommunications, les plateformes de médias sociaux et le transport aérien.
Leurs travaux ont démontré l’importance de soutenir les personnes touchées par les changements tout en facilitant l’accès à des emplois plus productifs — afin de protéger les travailleurs plus que des emplois spécifiques. Ils ont également souligné l’importance de la mobilité sociale, où la profession ou le métier d’une personne n’est pas défini par l’identité de ses parents.
«Les travaux des lauréats démontrent que la croissance économique ne peut être tenue pour acquise. Nous devons préserver les mécanismes qui sous-tendent la destruction créatrice afin d’éviter de retomber dans la stagnation», a expliqué John Hassler, président du comité du prix en sciences économiques.
Un nobel originaire d’Ontario
Peter Howitt, 79 ans, est titulaire d’un baccalauréat en économie de l’Université McGill à Montréal et d’une maîtrise de l’Université Western à London, en Ontario. Il est professeur de sciences sociales à l’Université Brown au Rhode Island.
«C’est en travaillant au Canada que j’ai véritablement fait mes armes en tant qu’économiste, a expliqué M. Howitt. L’ambiance à l’Université Western est celle qui m’a véritablement appris à être un chercheur productif.»
Le président de l’Université Western, Alan Shepard, a félicité l’économiste, ajoutant que les travaux de M. Howitt ont transformé notre façon de concevoir l’innovation et la croissance économique.
La moitié du prix de 11 millions de couronnes suédoises (près de 1,2 million de dollars américains) revient à M.Mokyr, tandis que l’autre moitié est partagée entre MM. Aghion et Howitt. Les lauréats reçoivent également une médaille d’or 18 carats et un diplôme.
Le premier ministre Mark Carney a salué la victoire de l’économiste canadien lundi.
«Le Canada compte parmi les esprits les plus brillants du monde», a-t-il dit dans un communiqué publié sur la plateforme de médias sociaux X.
Mark Carney a indiqué que les travaux de M. Howitt illustrent l’impact mondial des idées canadiennes.
M. Howitt s’est dit impatient de célébrer sa victoire avec son coauteur, M. Aghion. Le duo a travaillé ensemble pendant environ 30 ans, a-t-il dit.
«J’ai vraiment hâte de le retrouver et de célébrer avec notre famille, a-t-il ajouté. Nous avons des enfants partout en Amérique du Nord et nous avons hâte d’aller en Suède ensemble.»
Peter Howitt a également mis en garde contre les «nuages noirs» qui planent sur l’avenir, alors que les perturbations commerciales persistent.
Il a ajouté que le principal problème auquel le Canada est confronté est d’ordre politique et qu’il est important de maintenir des échanges économiques ouverts.
Lorsque les marchés sont restreints, le coût du commerce international augmente, ce qui finit par affaiblir l’incitation à innover, a expliqué M. Howitt.
«Si l’un des partenaires adopte des mesures restrictives, il faut s’efforcer de trouver d’autres partenaires commerciaux afin de maintenir ce marché ouvert aux innovateurs potentiels, a-t-il conclu. C’est, je pense, la principale leçon que notre recherche peut apporter à un pays comme le Canada.»
Interrogé lors d’une conférence de presse sur les guerres commerciales et le protectionnisme actuels dans le monde, M. Aghion a déclaré: «Je désapprouve le protectionnisme aux États-Unis. Ce n’est pas bon pour la croissance et l’innovation mondiales.»
Le prix d’économie est officiellement connu sous le nom de Prix de la Banque de Suède en sciences économiques à la mémoire d’Alfred Nobel. La banque centrale l’a créé en 1968 en mémoire de Nobel, homme d’affaires et chimiste suédois du XIXe siècle, inventeur de la dynamite et créateur des cinq prix Nobel.
Depuis lors, il a été décerné 57 fois à 99 lauréats. Seules trois femmes ont été lauréates.
— Avec les informations de l’Associated Press
