Les dirigeants devraient ignorer les débordements de Trump au G7, dit Jean Chrétien

CALGARY — L’ancien premier ministre Jean Chrétien affirme que les dignitaires présents au sommet des dirigeants du G7 la semaine prochaine ne devraient pas prêter attention au président américain, Donald Trump, s’il tente de faire dévier le débat.

S’exprimant jeudi lors d’une conférence à Calgary, M. Chrétien a indiqué que les dirigeants ne peuvent prédire les réactions du chef d’État américain, mais qu’il peut se montrer tyrannique et qu’il serait préférable que les autres dirigeants du G7 ignorent les débordements.

«S’il décide de faire un spectacle pour faire la une des journaux, il fera une folie, a souligné M. Chrétien. Laissez-le faire et continuez à parler normalement.»

Selon lui, les dirigeants devraient suivre l’exemple du premier ministre Mark Carney lors de sa visite à la Maison-Blanche le mois dernier.

«Lorsque M. Trump a parlé de l’intégration du Canada aux États-Unis, (M. Carney) a simplement déclaré : “Le Canada n’est pas à vendre, la Maison-Blanche n’est pas à vendre, le palais de Buckingham n’est pas à vendre”», a rappelé M. Chrétien.

«M. Trump a dit : “Il ne faut jamais dire jamais”, mais M. Carney n’a même pas répondu. Il a simplement poursuivi la discussion. C’est la bonne façon de gérer la situation», a-t-il ajouté.

Mark Carney accueillera Donald Trump et les dirigeants de la France, de l’Allemagne, du Japon, du Royaume-Uni, de l’Italie et de l’Union européenne pour un sommet de trois jours qui débutera dimanche à Kananaskis, au sud-ouest de Calgary.

Jean Chrétien, s’exprimant aux côtés de son ancien vice-premier ministre et ministre des Finances, John Manley, a également affirmé qu’il soutenait la décision de M. Carney d’inviter le premier ministre indien Narendra Modi au sommet.

M. Carney a été critiqué pour cette invitation, notamment par un membre de son propre caucus libéral, en raison des tensions persistantes entre le Canada et l’Inde concernant l’ingérence étrangère et l’assassinat en 2023 du militant séparatiste sikh Hardeep Singh Nijjar en Colombie-Britannique. La GRC a déclaré détenir des preuves reliant des membres du gouvernement indien à la mort de M. Singh.

«C’est toujours bon de discuter, a affirmé M. Chrétien à propos de l’invitation de M. Modi. Ils pourront parler et ils verront qu’il y a d’autres problèmes.»

«Il faut naviguer. On ne peut pas toujours se permettre de faire le malin pour chaque petit problème auquel on est confronté», a-t-il précisé.

M. Chrétien est l’un des deux anciens premiers ministres canadiens à prendre la parole jeudi lors d’une conférence organisée par l’École de politiques publiques de l’Université de Calgary et le groupe de recherche sur le G7.

Selon l’université, la conférence vise à réunir des experts et des responsables pour expliquer les principaux enjeux auxquels les dirigeants du G7 sont confrontés à l’approche du sommet.

Renforcer les liens avec d’autres pays

L’ancien premier ministre Joe Clark, né à High River, en Alberta, a conclu la conférence en préconisant un renforcement des liens avec le Royaume-Uni et la France. Il a également conseillé de ne pas s’occuper du théâtre public que Donald Trump pourrait faire pendant le sommet.

«Je ne pense pas qu’il soit utile de baisser les bras ou de critiquer (M. Trump), a mentionné M. Clark. Je pense qu’il serait sage d’avoir davantage de relations privées et moins de relations publiques jusqu’à ce que les penchants du président américain changent.»

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a également pris la parole lors de la conférence.

Elle a déclaré que la possibilité de signer un accord économique et de sécurité entre le Canada et les États-Unis lors du G7 constituerait une étape extraordinaire.

Elle a aussi exhorté le Canada à continuer de rechercher de nouveaux partenaires commerciaux, même si les relations entre les deux pays commencent à s’améliorer.

«Ne relâchons pas la pression», a soutenu Mme Smith.

David Angell, actuel conseiller en politique étrangère et de défense de M. Carney, a indiqué lors d’un panel distinct que les dirigeants mondiaux se réunissaient «à un moment de grande instabilité à l’échelle mondiale, où les tensions entre les membres du G7 sont particulièrement prononcées».

M. Carney a annoncé lundi qu’il prévoyait que le Canada respecterait les directives de l’OTAN en matière de dépenses d’ici le début de l’année prochaine.

M. Angell, ancien ambassadeur du Canada auprès de l’OTAN, a affirmé que le pays avait commis une erreur en laissant l’industrie de la défense «se mettre en position de paix».

Il a ajouté que le G7 pouvait avoir des conséquences exceptionnelles et qu’aucun autre processus ne permettait de discuter des «questions complexes» au cœur des enjeux de défense.