Montréal traverse une «crise aiguë» des surdoses liées aux opioïdes

MONTRÉAL — Les autorités de santé publique surveillent de près l’évolution de la «crise des surdoses» au pays depuis 2016. Or, bien loin de s’apaiser, le phénomène continue de faire des victimes et des intervenants estiment même que la situation s’aggrave à Montréal.

Au moment de s’entretenir avec La Presse Canadienne, mardi, la directrice générale de l’organisme Spectre de rue, Annie Aubertin, a confié avoir dû gérer une à deux surdoses par jour dans son service de consommation supervisée depuis une semaine.

«Normalement, on n’a pas une surdose par jour chez nous. On en a une ou deux par semaine», a-t-elle précisé. Le local de la rue Ontario accueille les consommateurs de drogues par injection de 8h30 à 16h30, sept jours sur sept.

Même constat chez CACTUS Montréal, qui reçoit la clientèle de nuit, entre 14h et 2h. On rapporte «deux surdoses par jour en moyenne», selon son directeur général Jean-François Mary.

En plus des surdoses sur place, les intervenants se voient aussi forcés d’agir directement dans la rue ou dans les parcs auprès d’usagers qui utilisent le matériel sécuritaire fourni par ces organismes. 

«Si ça se peut d’augmenter une crise, bien là, elle est augmentée», décrit Annie Aubertin.

La direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal reconnaît l’ampleur du problème. La médecin-conseil en prévention des ITSS et réduction des méfaits liés aux drogues, la Dre Carole Morissette, affirme que «depuis la pandémie, le marché illicite est extrêmement instable et dangereux».

À ce sujet, les organismes qui oeuvrent sur le terrain ont commencé à offrir un service d’analyse de substances afin de prévenir davantage de réactions indésirables. 

La forte popularité de ces nouveaux outils témoigne de la méfiance et de l’inquiétude grandissante des consommateurs de drogue envers les produits sur le marché, estime Annie Aubertin.

Manque de ressources

Dans une récente sortie publique, le syndicat des infirmières du CIUSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal dénonçait le manque de personnel médical dans les services de consommation supervisée. Une réalité confirmée par les organismes communautaires.

Si la présence d’infirmières n’est pas essentielle au fonctionnement des SCS, puisque le personnel est formé pour intervenir en cas de problème, leur expertise médicale est grandement appréciée.

Lorsque survient une surdose, notamment, la présence d’une professionnelle en soins a un effet «sécurisant» pour l’équipe en place, souligne Annie Aubertin.

Le CIUSSS dit d’ailleurs déployer de grands efforts pour compléter son équipe d’infirmières dédiée aux SCS. Avec la pandémie et la pénurie de main-d’œuvre dans le réseau, le recrutement et la rétention de personnel qualifié demeurent un défi de taille.

Mais au-delà de cette collaboration, le milieu communautaire plaide surtout pour un financement adéquat et une meilleure reconnaissance de son travail de soutien et de prévention auprès d’une clientèle vulnérable.

«On est dans une crise des opioïdes pour vrai. On est dans une crise des surdoses pour vrai. Et pendant ce temps-là, il faut se battre pour avoir du financement, déplore Mme Aubertin. Mais les gens, c’est dans nos mains à nous autres qu’ils pètent.»

La DG de Spectre de rue compare le petit réseau de sites supervisés à de «mini urgences». Une image qui fait écho aux propos de la Dre Morissette selon qui on observe cinq fois plus de cas nécessitant des interventions d’urgence depuis 2020.

Le nombre d’interventions d’urgence dans les SCS est passé d’une moyenne de 9,3 interventions par mois en 2019-2020 à 49 interventions par mois en 2022-2023, d’après les données de la DRSP.

La Dre Morissette souligne que la compétence des organismes permet d’éviter de nombreux décès ainsi qu’un grand nombre de transports par ambulance et de visites dans les unités d’urgence des hôpitaux.

Or, sans la présence d’infirmières, les intervenants formés en réanimation ont l’obligation d’appeler les ambulanciers en renfort comme l’exige leur protocole, précise-ton chez CACTUS Montréal. 

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