Ottawa se dirige vers une production automatique des déclarations de revenus

OTTAWA — L’Agence du revenu du Canada mettra à l’essai l’an prochain un nouveau service de production automatique pour aider les Canadiens vulnérables qui ne produisent pas de déclaration de revenus à recevoir tout de même les prestations fédérales auxquelles ils ont droit.

Le budget fédéral de mardi indique notamment que l’Agence du revenu du Canada présentera aussi en 2024 un plan pour étendre davantage ce service de production automatique de déclarations de revenus, à la suite de consultations avec les intervenants et les organismes communautaires.

Le passage à la production automatique, promis pour la première fois dans le discours du Trône de 2020, fait partie des nombreuses mesures budgétaires qui, selon les libéraux, visent à aider les Canadiens à faire face au coût de la vie.

Jennifer Robson, professeure agrégée en gestion politique à l’Université Carleton, accueille cette initiative avec un «optimisme prudent». Mme Robson, qui a justement mené des recherches sur les personnes qui ne produisent pas de déclaration de revenus, croit que cette approche pourrait changer éventuellement les choses.

Des experts et des militants réclamaient un tel service de production automatique, soulignant que de nombreux Canadiens vulnérables sont privés des prestations auxquelles ils ont droit parce qu’ils ne produisent pas de déclaration de revenus.

Les Canadiens ne sont généralement pas tenus de produire une déclaration chaque année s’ils ne doivent pas de l’argent au fisc. Mais le gouvernement fédéral compte de plus en plus sur l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour offrir aux particuliers des prestations fondées sur le revenu.

On songe ainsi à l’Allocation canadienne pour enfants, ainsi qu’au récent supplément ponctuel à l’Allocation canadienne pour le logement et au doublement temporaire du crédit d’impôt pour la TPS.

Déjà offerte ailleurs

Un rapport de 2020, coécrit par la professeure Robson, estimait que de 10 à 12 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus, surtout dans les tranches de revenu inférieures. Le rapport a aussi estimé que la valeur des prestations non reçues par ces Canadiens en âge de travailler était de 1,7 milliard $ en 2015.

La production automatique est déjà une réalité dans de nombreux autres pays, dont le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande.

Mme Robson estime qu’au Canada, cela impliquerait probablement que l’ARC remplisse d’abord elle-même une déclaration de revenus avec les informations dont elle dispose déjà. L’agence donnerait ensuite à la personne la possibilité de mettre à jour la déclaration ou de soumettre des informations supplémentaires, comme les frais médicaux admissibles.

Une évolution vers la production automatique constituerait certes une menace pour l’industrie de la préparation des déclarations de revenus, qui s’appuie sur les contribuables qui doivent produire une déclaration. Mais Mme Robson précise qu’il y aura toujours des contribuables qui ont des situations fiscales plus complexes et qui auront besoin des conseils de professionnels.

Le budget fédéral indique également que l’Agence du revenu du Canada élargira l’accès à un service mis en place en 2018 qui permet à certains Canadiens à revenu faible ou fixe de produire automatiquement et gratuitement leur déclaration par téléphone, après avoir répondu à une série de brèves questions.

Le budget indique que deux millions de Canadiens seront admissibles à ce service «Produire ma déclaration» d’ici 2025, soit près de trois fois plus qu’aujourd’hui.