Riposte tarifaire: Ottawa devrait redistribuer l’argent aux entreprises, plaide MEQ

MONTRÉAL — Si le Canada riposte aux tarifs de Donald Trump par ses propres tarifs, l’argent récolté doit être utilisé pour aider les entreprises qui subiront les contrecoups d’une possible guerre commerciale, plaide le secteur manufacturier québécois.

«Si le gouvernement fédéral impose des tarifs, il va ramasser de l’argent et on s’attend à ce que l’ensemble des sommes qui sont amassées soient réinvesties directement dans les secteurs qui sont visés par les tarifs», affirme Julie White, la présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec (MEQ).

«C’est important pour nous que ce ne soit pas de l’argent qui s’en aille dans le fonds consolidé à Ottawa», enchaîne-t-elle en entrevue vendredi.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a indiqué, vendredi, que le Canada serait prêt à riposter sur le champ, si le président désigné, Donald Trump, va de l’avant avec sa menace d’imposer des tarifs de 25 % sur les biens canadiens.

Le «Globe and Mail» rapportait plus tôt vendredi qu’Ottawa pourrait envisager d’imposer une première ronde de tarifs sur l’équivalent de près de 37 milliards $ de produits américains.

Mme White reconnaît que le fédéral «n’aurait pas le choix» de riposter aux éventuels tarifs de l’administration Trump. Elle demande toutefois au gouvernement d’y aller de manière «précise et ciblée». «Il faut que ça soit des produits spécifiques sur lesquels il peut y avoir des solutions de remplacement au Canada.»

La représentante des manufacturiers québécois veillera au grain afin que les décisions du fédéral ne se prennent pas au détriment des industries stratégiques du Québec, comme l’aéronautique ou l’industrie de l’aluminium.

«Le gouvernement semble vouloir être équitable de ce côté-là, mais il ne faut pas que nos grandes filières économiques du Québec paient pour d’autres provinces, prévient-elle. Pour moi, c’est clair.»

Mme White est rassurée d’entendre que le gouvernement Legault est prêt à venir en aide aux entreprises visées par les tarifs de l’administration Trump. Elle souhaite que Québec intervienne rapidement et soit «agile». «On est dans une situation exceptionnelle. (…) On ne peut pas attendre des semaines ou des mois.»

Parmi les aides qui pourraient être envisagées, Mme White évoque les crédits d’impôt pour augmenter la productivité et l’innovation ainsi qu’une modération des hausses des tarifs d’électricité des entreprises.

«Une onde de choc»

Les menaces de M. Trump ont soulevé une grande inquiétude dans les milieux économiques canadiens. L’élu républicain, qui prendra officiellement le pouvoir le 20 janvier, menace d’imposer des tarifs de 25 % sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. Il est même allé jusqu’à évoquer l’annexion du Canada sous la menace de représailles économiques.

Si M. Trump va de l’avant avec ses menaces, cela pourrait créer «une véritable onde de choc» pour le secteur manufacturier québécois.

«On est actuellement vraiment dans une espèce de spirale d’incertitude où tout le monde essaie de trouver les meilleures options, essaie de rassurer les fournisseurs et les employés, constate la dirigeante du MEQ. C’est difficile pour tout le monde en ce moment.»

Les entreprises manufacturières se préparent déjà à un affrontement commercial, qui semble inévitable. La très grande majorité, soit 90 %, anticipent que les tarifs américains auront des impacts importants sur leurs activités, selon un sondage effectué en décembre par le MEQ auprès de ses membres.

Le spectre des tarifs force bon nombre d’entre-elles à songer à relocaliser la production, à mettre des plans d’investissements sur la glace, à freiner le recrutement, voire à réduire le nombre de leurs employés.

Mme White s’inquiète des conséquences à long terme d’une pause dans les investissements des entreprises, nécessaires à l’accroissement de la productivité. «Ça peut être très inquiétant pour nos petits manufacturiers à moyen-long terme.»