Des élèves qui se préoccupent de leurs pairs

ÉDUCATION. Deux élèves de secondaire 5 de l’école Des Chutes à Shawinigan, Aryane Francoeur et Camille Perron, ont acheminé une lettre ouverte à leur députée Marie-Louise Tardif en décembre dernier, afin de lancer un cri du cœur du constat qu’elles font dans leur école. «Anxiété, découragement, détresse, et panique» ont été des mots utilisés par les jeunes filles pour dénoncer ce que les jeunes vivent à l’école avec les répercussions de la pandémie.

Les finissantes de cette année n’avaient pas trop d’espoir de recevoir une réponse.

Finalement, Mme Tardif a écouté les deux jeunes via la plate-forme Zoom, et elle a réservé un budget de 4000$. La députée a remis 40 cartes cadeaux alimentaires de 100$ chacune aux jeunes filles qui remettront le présent à des familles dans le besoin.

«C’est une idée de Camille et moi, explique Aryane Francoeur, qui est aussi présidente de son école. On avait vu des textes passer sur les réseaux sociaux qui étaient désapprobateurs de la situation, mais qui n’offraient pas de solutions pour la détresse des jeunes. Alors on a écrit un texte à la députée avec des solutions. On ne s’attendait pas trop à recevoir une réponse, mais on s’est jetée dans le vide. Il y a des commerces qui ferment, certains parents ne travaillent plus, alors on voulait avoir un soutien immédiat pour des jeunes plus défavorisés.»

De fil en aiguille, après des discussions avec Mme Tardif, elle a accepté de donner les cartes cadeaux. «Avec l’aide des intervenants, des professeurs et de la direction d’école, on est en train de décider des familles qui en ont le plus besoin pour leur donner un petit coup de pouce», ajoute Aryane.

Camille Perron abonde dans le même sens que son amie. «En plus des dons des cartes cadeaux, il y aura une belle suite en lien avec ce projet. Les jeunes de notre école auront le droit à un soutien psychologique avec une plate-forme sur le Web qui sera mise en place. C’est une autre initiative que nous avons prise avec l’appui de notre direction d’école. Notre directeur a bien réagi avec la présentation de notre idée et il a embarqué avec nous à 100%. Je ne croyais pas qu’on aurait un beau soutien autant de la députée et de notre direction d’école.»

«La députée n’est pas si loin des jeunes et ils peuvent faire une différence, opine Marie-Louise Tardif, députée du comté Laviolette-Saint-Maurice. Ce ne sont pas de gros montants, mais les jeunes filles lancent un message d’espoir avec leur initiative. On a parlé ensemble pour trouver des solutions pour atténuer la détresse des jeunes. Finalement elles ont aimé l’idée des cartes cadeaux alimentaire. Ensuite, les enseignants ont aidé les filles à cibler les personnes et familles plus dans le besoin. Je suis contente parce que les filles sentent qu’elles font une différence!»

La lettre ouverte adressée à la députée

Un appel à l’aide… avant qu’il ne soit trop tard

Anxiété, découragement, détresse, panique. Peut-être que pour vous ces mots sont vides de sens, pourtant, ils représentent à merveille l’état d’esprit, de nous, les étudiants du système scolaire québécois. Nous sommes Aryane Francoeur et Camille Perron, des élèves de cinquième secondaire excessivement préoccupés par la situation désastreuse que nous vivons en ce moment. Nous sommes conscientes que la crise sanitaire actuelle engendre beaucoup de dépenses imprévues, cependant nous croyons fermement que nos ressources psychologiques et académiques ne devraient pas subir de coupures au profit des autres institutions gouvernementales.

 

Taux d’échec alarmant

Dernièrement, vous aurez probablement remarqué que le tempérament des jeunes a beaucoup changé, il est clair que nous sommes totalement démoralisés, fatigués et à bout de souffle. Vous voyez, selon Nicolas Prévost, président de la fédération Québécoise des directions d’établissement d’enseignement, c’est maintenant 30% des élèves qui n’obtiennent malheureusement plus la note de passage. C’est une situation absolument alarmante. Nos paroles préoccupantes ainsi que nos inquiétudes vis-à-vis notre réussite scolaire ne semblent pas être prises au sérieux! Occupez-vous de nous! De nous, les jeunes, nous n’avons jamais eu autant besoin de ressources et de soutien.

 

L’école plus terne que jamais

Mise en pause, plus aucune vie scolaire n’est en action à l’école. Chaque petit élément qui nous donnaient envie de prendre l’autobus le matin n’existe désormais plus, et ce, sans aucune consolation. Des entraînements de volleyball en passant par les pratiques de l’équipe d’improvisation ainsi que les spectacles, tout s’est arrêté soudainement sans aucun préavis. De plus, nos concentrations étant mises sur la glace, nos classes étant divisées par bulles, la situation est très différente des attentes que nous avions. Ces périodes, destinées à notre épanouissement ainsi qu’à notre développement personnel et social sont à l’heure actuelle, généralement utilisées pour terminer des travaux ou bien pour aller marcher à l’extérieur. N’est-ce pas déroutant? Également, nos cours d’éducation physique à la maison sont devenus de petits questionnaires concernant les saines habitudes de vie, ce qui n’est tristement pas fidèle à nos cours originels qui nous faisaient bouger et dépenser notre énergie qui, d’ailleurs, était autrefois si débordante. C’est totalement déconcertant de faire partie d’un milieu scolaire uniquement réservé à l’apprentissage des matières principales. Notre capacité d’adaptation à tout de même des limites. Dans notre cohorte, par exemple, depuis le début de l’année scolaire 2020-2021, quatre personnes ont déjà pris la décision de quitter les bancs d’école seulement quelques mois avant l’obtention de leur diplôme d’études secondaires. D’autres élèves songent également à quitter. N’est-ce pas un exemple concret que notre système scolaire en ce temps de pandémie représente de nombreuses failles. En addition, nous aimerions apporter le fait que les décrocheurs coûtent extrêmement cher au Québec, 1.9 milliard par an selon Mitch Garber, populaire homme d’affaires. Il nous semble qu’une telle somme pourrait être facilement investie dans le but de raccrocher les élèves à la vie étudiante.

 

Manque accru de professionnels en santé mentale

Malgré le soutien précieux que nous recevons de la part de nos enseignants, ils ne sont pas formés pour traiter l’anxiété et la détresse de leurs élèves, la demande pour les services en santé mentale est conséquemment plus abondante que jamais. Nous croyons profondément qu’un plus grand nombre de psychologues devraient être assignés aux écoles de notre province, car les listes d’attentes sont interminables et le processus d’ouverture de dossier est lui aussi beaucoup trop long. En dépit de leur volonté et de leurs efforts constants, les professionnels de la santé sont malencontreusement épuisés, ils se noient sous la tonne de dossiers qui reposent sur le coin de leur bureau, c’est pourquoi nous pensons vigoureusement que la venue de 400 psychologues du secteur privé est nécessaire au bien-être de notre réseau public. En outre, une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Toronto prévoit qu’il pourrait y avoir de 418 à 2114 suicides de plus chez les jeunes au Canada en 2020-2021 en raison de la COVID-19, il est donc temps de mettre les efforts nécessaires pour sauver des vies. L’ajout d’autres intervenants serait aussi favorable, un accroissement du nombre de travailleurs sociaux augmentera, sans aucun doute, les chances de réussite des élèves vivant des situations familiales et monétaires difficiles. Finalement, nous espérons sincèrement vous avoir ouvert les yeux sur ce qui se passe réellement dans nos écoles. C’est sans aucun doute en travaillant ensemble que nous parviendrons à améliorer le quotidien des élèves qui malgré leur détresse, continuent de redoubler d’efforts malgré les cours à distance et ceux en présentiel. Comme le dit votre slogan, le changement doit se faire : MAINTENANT!

Écrit par : Camille Perron, élève de secondaire 5 & Aryane Francoeur Présidente de l’école secondaire des Chutes Shawinigan.