Des souvenirs encore bien présents pour Marcel Jobin

SPORT. Il y a 40 ans jour pour jour, le Bonifacien Marcel Jobin faisait la navette entre le village olympique et la résidence de son frère à Montréal-Nord avant sa toute première participation à des Jeux olympiques dans l’épreuve de la marche de 20 kilomètres qui avait lieu le 23 juillet 1976. TC Media l’a rencontré à sa demeure afin de lui faire raconter des souvenirs encore bien présents dans sa mémoire.

Les XXIes jeux de l’ère moderne se sont déroulés du 17 juillet au 1er août 1976. Lors de sa compétition le 23 juillet il y a 40 ans, Marcel Jobin a terminé au 23e rang au total avec un temps de 1h34m33s. Il est devenu le premier Canadien à franchir le fil d’arrivée au Stade olympique.

Dans une petite pièce au 2e étage de sa résidence à Saint-Boniface, les murs sont tapissés de trophées, d’articles de journaux et d’équipements. Marcel Jobin se souvient.

«À l’époque, les journalistes au Québec croyaient que j’allais gagner une médaille. Mais de mon côté, j’étais réaliste. Je connaissais les temps des meilleurs athlètes des autres pays et je savais que ce serait très difficile, raconte le septuagénaire. À Montréal, j’étais stressé au coton. Quand j’étais au village olympique, je n’avais aucune tranquillité. Tout le monde était après moi, j’étais un des athlètes les plus populaires arrivés à Montréal. Quand je m’entraînais dans ma région, je passais pour un fou (fou en pyjama) et à Montréal, les gens me reconnaissaient dans le métro. C’était la grosse affaire: un Québécois aux Jeux olympiques chez lui. C’est pourquoi j’allais souvent chez mon frère qui habitait à Montréal-Nord pour avoir plus de tranquillité.»

Quatre ans après la tragédie aux Jeux de Munich en Allemagne, la sécurité est renforcée pour les Jeux de Montréal. Il y a même des menaces d’explosion de bombes. «Je me souviens que lors de la présentation des athlètes, j’étais knockout avant de commencer. J’étais dans un esprit négatif. Il y a un grand couloir au stade avant d’arriver sur la piste, et je le voyais comme le couloir de la mort. Une fois la course commencée, le stress est parti», raconte l’athlète.

Un des plus beaux moments en carrière a été son entrée au Stade olympique à la fin de la course afin de compléter les derniers 800 mètres équivalents à deux tours de pistes.

«Quand je suis entré dans le stade, je savais où était assise ma femme et je lui ai envoyé la main. Pendant les deux tours de piste, je flottais. En terminant, j’ai levé les deux bras en l’air comme si j’avais gagné l’or. J’en parle et j’ai encore plein d’émotions. Je me souviens d’avoir pensé à tout ce que j’ai traversé pour vivre ce moment. C’est un de mes plus beaux souvenirs en carrière ces deux tours de piste, de finir la compétition et d’avoir été le premier Canadien à franchir l’arrivée.»

Une qualification digne d’une victoire

L’athlète est toutefois resté un peu amer de certains événements en 1972. Il avait réussi sa qualification pour les Jeux olympiques de Munich, mais quelques jours avant l’ouverture, la Fédération canadienne olympique a retiré le nom d’une dizaine d’athlètes, dont celui de Marcel Jobin. Ce dernier avait même pris un congé sans solde de six mois à son emploi à l’Alcan.

«Après Munich, je me disais que je ne voulais pas manquer les Jeux de Montréal. J’étais le meilleur marcheur canadien, et pour Montréal, le standard pour y participer était de 1h32m. Aucun Canadien n’avait réalisé un temps sous cette marque. J’avais le sentiment que la fédération voulait m’éliminer à cause du standard. Est-ce qu’elle voulait retirer les athlètes de la marche? Pour moi, j’étais le petit Canadien français qu’on voulait tasser. Ça m’a motivé et je me suis entraîné encore plus dur. Lors de la qualification en mai 1976, j’ai battu le record canadien avec un temps de 1h30m29s. Quand j’ai été qualifié, mes Jeux olympiques étaient déjà gagnés.»

Puis, Marcel Jobin est demeuré le champion canadien jusqu’en 1984.

Sa femme Nicole se souvient

La conjointe de M. Jobin, Nicole Lafontaine, a vécu cette journée du 23 juillet de façon tout aussi intense que son conjoint.

«Une fois assise dans le stade, j’ai pensé au long cheminement de Marcel pour en arriver là. C’était l’aboutissement de son travail. Je ne portais pas à terre. Je savais qu’il était nerveux et la foule était tournée vers lui. On savait qu’il ne gagnerait pas de médaille, mais on aurait dit que sa médaille c’était sa sélection pour les Jeux. Pendant son épreuve, on le voyait souvent sur l’écran géant. Quand il est entré, j’ai vu son signe de la main vers moi. Je pouvais sentir sa fébrilité et comment il était à fleur de peau. C’était une tension inexplicable pour moi aussi. C’est difficile à décrire, mais à la fin, on dirait que j’ai perdu du poids. Enfin, il avait accompli le pourquoi il s’entraînait et la porte s’ouvrait ensuite pour lui et les autres.»

Mme Lafontaine travaillait au village olympique pendant les Jeux, mais écrivait aussi une chronique pour La Presse. «Quand il a fini, Marcel a été un bon deux heures avec les journalistes. Moi, je devais écrire ma chronique et je ne lui avais pas parlé encore. J’ai écrit la chronique quand même sans lui parler. Puis, lorsque je l’ai vu ensuite, il était encore avec un journaliste. J’ai raconté ce que j’avais écrit et le journaliste était surpris parce que Marcel venait de lui dire ce que j’avais écrit!»