Il faut sauver le terrain des loisirs…
Âgée d’à peine 5 ans, la petite Béatrice Rousselle est toute heureuse. Sa maman vient de l’inscrire pour la première fois au soccer, aux terrains «Apollo» de Shawinigan-Sud. Mais celui qui en est le plus fier, c’est son arrière-grand-papa, Maurice Frigon, qui se souvient d’une longue bataille qu’il a menée il y a près de 40 ans pour sauver ce terrain des loisirs pour les jeunes, alors destiné à l’implantation d’un centre commercial.
Les plus âgés se souviendront certainement de cette histoire, qui s’est échelonnée sur six mois entre 1975 et 1976. À l’époque, la ville de Shawinigan-Sud, alors sous l’administration d’Albert Landry, avait annoncé son intention de vendre ce terrain récréatif pour permettre à des grands magasins de venir s’y installer.
Choqué par cette nouvelle, Maurice Frigon, résident de Shawinigan-Sud et figure connue dans la vie municipale, a alors décidé de défendre le terrain, sur lequel était aménagé à ce moment un terrain de baseball.
À la tête d’un mouvement de contestation, qu’on a appelé Mouvement pour la conservation des terrains sportifs de la 12e avenue, M. Frigon s’est battu avec acharnement jusqu’à ce que le maire et son conseil municipal abandonnent finalement cette idée de vendre le terrain.
«Ça n’avait tout simplement pas de sens, se souvient-il. Un terrain de loisir, ça ne se vend pas! J’ai passé ma vie dans le sport, le hockey, la course à pied, etc., mes enfants étaient aussi élevés dans le sport, ça me tenait d’autant plus à cœur de conserver ce terrain à Shawinigan-Sud.»
En guise d’alternative de terrain pour les jeunes, le conseil municipal proposait en effet un site situé quelques kilomètres plus loin dans le rang St-Mathieu. «Les enfants qui pratiquent le baseball auront beaucoup de difficulté à poursuivre dans leur sport favori car ils auront de longues randonnées à faire à bicyclette et leurs parents seront toujours inquiets car on sait que la circulation est très rapide dans ce coin», argumentait-il avec vigueur lorsqu’il représentait la population.
Au départ, le mouvement comptait une vingtaine de citoyens, dont Maurice Frigon comme président et Réjean Durocher comme secrétaire. Un à un, ils ont rallié les citoyens et les élus municipaux à leur cause. Des séances de conseil municipal pour le moins houleuses, des sorties médiatiques, une pétition de 1500 noms, ils ont pris les grands moyens pour se faire entendre.
La guerre s’est finalement terminée le 5 mai 1976, lorsque le maire Landry a déclaré ces terrains utilisés pour fins récréatives. Une fois toute cette histoire terminée, des infrastructures de loisirs ont été installées sur ces terrains.
Des souvenirs bien gardés
À l’intérieur d’un «scrapbook» qu’il tient précieusement, Maurice Frigon a conservé les découpures des journaux qui ont couvert son histoire du début à la fin.
La salle du conseil est prise d’assaut, Une assemblée houleuse, Vive opposition, Le maire Landry s’explique… et Maurice Frigon réplique, Il faut sauver le terrain récréatif, voilà quelques gros titres qui ont fait les manchettes de l’actualité régionale pendant plusieurs mois.
Aujourd’hui, le terrain «Apollo», appelé Parc multisport Réal-Dufresne, permet aux jeunes et aux moins jeunes de pratiquer plusieurs sports et loisirs, soccer, baseball, tennis, planche à roulette, parc à chien, mini-putt, etc.
Toujours résident du secteur Shawinigan-Sud, à la résidence Les Jardins du Campanile, M. Frigon attend maintenant le retour de la belle saison pour aller voir ses arrière-petits-enfants Béatrice et Thomas jouer au soccer sur ce terrain.
«C’est une victoire que je n’oublierai jamais. Ça fait 40 ans et pourtant c’est comme si c’était hier!», termine-t-il fièrement.