Le café de Joaquin
75 ans, solide gaillard, sûrement pas toutes ses vraies dents, je tombe sur Joaquin en frappant à une porte, secteur Centro Habana. Bonjour monsieur, fait encore très chaud aujourd’hui, c’est comme Le Bronx ici… comment ça coûte? Plutôt que de me répondre, il m’invite à entrer.
Maison aussi vieille que coloniale, le salon à la rue m’est agréable. La chambre n’est pas une chambre de rêve, mais le plafond est tellement haut qu’il y aura de l’espace pour tous les rêves. À bon prix, et la tête de Joaquin qui m’a plu davantage que sa chambre à louer, c’est ici que j’ai décidé de baser mon quartier général à La Havane.
Presque le même âge que ma mère, avec une bouille ressemblant à mon regretté grand-père Mayer, Joaquin tout sourire, aime écouter la télé ainsi que la musique. Probablement parce qu’il a souri toute sa vie, mon nouveau camarade a des trous dans les joues.
Grand plaisir à rire ensemble, j’ai quelquefois compris que l’on ne se comprenait pas toujours sous l’eau froide de la douche. Mais j’ai rigolé quand j’ai vu Joaquin prendre une douche inopinée. J’étais assis au salon, quand il a oublié d’éteindre la pompe qui grimpe l’eau au réservoir sur le toit.
Sous les cris des voisins du haut, alors que ça coulait jusqu’ici en bas, 75 ans, Joaquin sait encore sprinter. J’en ri encore de le voir courir le corridor de cette longue maison. J’aimais lui pincer une fesse à l’occasion. Mais après avoir éteint la pompe, tout mouillé qu’il était, je lui ai pincé les deux fesses! Aïe, aïe, aïe!!!
Beaucoup de plaisir ensemble!
Aimant vivre seul, deux femmes ont fait partie de sa vie. Deux fils et un divorce avec la première, je crois qu’il a aimé davantage celle qui tout comme Fidel, repose sous terre. Mais à voir son sourire et son doux comportement envers elles, il adore encore les femmes. Criss qu’il en passe des femmes dans cette casa!
Muchachas, chicas, señoritas, señoras, de toutes les couleurs, il y en a toujours une qui traîne au salon. Pour lui demander conseil, lui emprunter son téléphone ou simplement lui faire les yeux doux. J’aimais les entendre l’appeler "Joaquiiiiin" au travers de la grille de la porte avant. Et quand il était à la cuisine à l’arrière, je lui criait "Joaquin, il y a encore une belle qui réquisitionne ton sourire!"
Des femmes ainsi que des tas de chats à la rue. Je crois qu’il y a une fabrique de chats en face de la casa de Joaquin Fonsera Garcia. Tous les matins j’y voyais des chats et des chats sortir sous les larges portes de métal de ce qui avait l’air d’un stationnement ou d’un lieu d’entreposage. Tous les matins, j’aimais prendre le café à la rue.
Comment ça coûte? "J’aimerais avoir le café du matin inclus" que je lui ai demandé à la première rencontre. Rien de plus, je ne veux pas de rabais, pas de déjeuners, j’aimerais seulement avoir du café à boire pour me réveiller. Me rendre lucide pour compter les chats d’en face!
Dix nuits passées chez Joaquin. Tous les matins je voyais la joie dans ses yeux et j’entendais le plaisir dans ses mots à m’offrir le café. Dix nuits à la Havane, que je dois maintenant revenir chez moi après 28 jours à bourlinguer sur l’île. J’aimais ton café amigo, je l’aime encore, mais je dois rentrer bosser.
Bye bye Joaquin, que je lui pince une fesse au moment du départ. Aïe, aïe, aïe!!!
À la prochaine!
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Globetrotteur devant l’éternel, Claude Gill pose cette fois-ci ses valises dans un pays qu’il connait bien: Cuba. Pas de Resort pour le Shawiniganais par contre, le photographe est plutôt du type "chambre en ville". Claude Gill termine cette semaine son périple en partageant avec nos lecteurs une dernière carte postale. Bonne lecture.